Les quelques 11 millions d’aidants que compte la France viennent de se retrouver une nouvelle fois mis à l’épreuve par la crise sanitaire que nous traversons. De quels soutiens bénéficient-ils ? Qu’en est-il de la consolidation de leur reconnaissance ? Comment appréhender la question de leur rémunération ? Autant de questions qui se posent avec toujours plus d’acuité et sur lesquelles une étude réalisée au cours des trois dernières années par le Laboratoire Interdisciplinaire pour la Sociologie Economique (CNAM/CNRS) permet d’apporter quelques éléments de réponse. 


 

La rémunération en question

Dans l’optique du maintien à domicile, depuis le début des années 2000, certaines prestations sociales – l’Allocation personnalisée d’autonomie (APA) et la Prestation de compensation du handicap (PCH) – permettent de rémunérer des proches aidants. L’objectif de ces différents dispositifs est double : améliorer la situation économique des aidants et favoriser la bientraitance des entre les aidés et leurs aidants. Une initiative a priori positive donc. Pourtant, selon l’enquête réalisée par le Laboratoire Interdisciplinaire pour la Sociologie Economique (CNAM, CNRS), cette question de la rémunération des proches aidants suscite des positions tranchées chez les acteurs publics questionnés (associations familiales, associations représentatives de personnes en situation de handicap, associations d’aidants, responsables de caisses de sécurité sociale ou de mutuelles, etc.). En effet, tandis que certains considèrent la rémunération des aidants comme un moyen de dévoyer les solidarités familiales et d’encourager les aidants à se substituer aux professionnels dans les soins et non plus à se concentrer sur les aspects affectifs de la relation, d’autres soutiennent au contraire que si, faute d’une disponibilité suffisante des services à domicile, les aidants doivent s’investir aux côtés de leur proche, ils doivent pouvoir le faire dans des conditions satisfaisantes.

Toutefois, malgré cette ambivalence du discours institutionnel, l’enquête montre que dans la plupart des cas, l’activité d’aide préexiste à l’obtention d’une rémunération. Loin d’être un critère déterminant d’entrée dans la carrière d’aidants, la rémunération apparaît donc tout de même comme un moyen de parer à une absence de ressources ou d’emplois en raison d’un engagement important dans l’accompagnement. Dans le cadre d’un emploi salarié, l’activité rémunérée d’aidant permet par ailleurs d’accéder à des droits sociaux tels que la retraite ou l’allocation chômage.

 

Inégalités et incertitude au niveau de l’emploi et des statuts 

Cette problématique de la rémunération soulève également des interrogations quant aux inégalités de revenus au sein des familles. Dans le cadre de l’aide aux personnes âgées (APA), les aidants sont recrutés en emploi direct, la protection sociale garantie est intégrale et un contrat de travail doit être établi. Dans le cas du handicap en revanche, cette situation est une exception, la plupart des aidants ayant accès à un simple dédommagement de 3,94 ou 5,91 € de l’heure. Les niveaux effectifs de rémunération dépendant par ailleurs des plans d’aide décidés dans les services autonomie des Conseils départementaux, le travail des aidants n’est pas toujours reconnu dans toute son amplitude. Il n’est pas rare en effet de voir un aidant n’être rémunéré que sur la base de quelques heures par semaine alors même qu’il cohabite avec le proche aidé et se voit donc sollicité en permanence.

Autre point important révélé par l’enquête : le travail d’aide accompli à domicile auprès de proches continue aujourd’hui encore de souffrir d’un déficit de visibilité. Difficile en effet pour un aidant de qualifier son activité ou de la rapprocher des catégories classiques du monde du travail. Là aussi, les oppositions demeurent : tandis que certains aidants jugent leur aide naturelle et refusent de la voir reconnue socialement comme un travail, d’autres expriment au contraire le regret de la faible reconnaissance sociale de leur activité. Force est donc de constater que, dans le cas des proches aidants, le registre du travail n’offre pas de références complètement stabilisées.

 

La nécessité d’aller plus loin en faveur des aidants

Si, dans le cadre de la Stratégie de mobilisation et de soutien en faveur des aidants lancée par le gouvernement le 23 octobre 2019, la plupart des mesures de soutien et d’amélioration des droits sociaux ont été accueillis positivement, certains souhaiteraient que l’action publique aille plus loin concernant la consolidation du statut des proches aidants rémunérés. Il s’agit là, pour une majorité de personnes interrogées dans le cadre de cette enquête, d’une urgence pour des familles le plus souvent aux prises avec des situations matérielles et morales inextricables.