Le plan gouvernemental  en faveur des aidants est attendu avec impatience (Lire «Agir pour les aidants : le plan gouvernemental de mobilisation et de soutien»). Il ne pourra s'agir que d'un progrès, puisqu'à l'heure actuelle on ne peut pas dire que la société ait vraiment traduit en actes la solidarité nécessaire vis à vis de ces 11 millions de femmes et d'hommes qui accompagnent au quotidien un proche fragilisé par l'âge, la maladie ou le handicap. Mais attention toutefois ! Reconnaître les aidants ne signifie pas qu'il faille les assigner à ce rôle. Quelles que soient les mesures que contiendra ce programme, il ne faudra jamais perdre de vue la notion de limites de l'aidant.


 Aidant : une définition qui a évolué

 

Bien que l'aidant n'ait pas de statut officiel (lire «Statut des aidants, une notion floue»), sa reconnaissance est implicite, par exemple au travers des mesures : 

  • de «dédommagement» dans le cas de l'accompagnement d'une personne handicapée,
  • de «droit au répit» dans le cas de l'accompagnement d'une personne âgée.

On sait donc depuis longtemps que ces aidants existent. Le terme pour les désigner a d'ailleurs évolué au fil du temps :

  • On a d'abord utilisé l'expression d'aidant naturel

Puis prenant conscience qu' être aidant n'a rien de naturel, on lui a préféré la notion d'aidant informel (par opposition aux aidants professionnels). Cette notion englobe a priori les membres de la famille, mais aussi les amis, les voisins (voire des bénévoles au sein d'associations).

 

  • À la notion d'aidant informel a succédé celle d'aidant familial,

Ce terme circonscrit le périmètre aux membres de la famille. C'est au sein de celle-ci il est vrai que se trouve la grande majorité des aidants de personnes âgées dépendantes (souvent les enfants). Mais on oubliait de nouveau tous les autres...

  • On préfère alors parler aujourd'hui (mais cela n'est peut-être pas définitif) d'aidants familiers ou de proches aidants, pour souligner leur proximité avec la personne aidée, qu'ils soient  membres de la famille, amis, voisins...

 

Dans les pays anglophones, on les appelle plus simplement  «caregivers» ; littéralement «qui donnent des soins». Et c'est bien cette notion de soins qu'il faut interroger, quelle que soit le lien qui unit l'aidant et l'aidé.


Jusqu'où vont les soins que peut prodiguer l'aidant ?

De l'attention affectueuse à l'aide aux courses jusqu'à l'exécution de soins corporels, les tâches assumées par les aidants sont d'une extrême diversité. Lorsque l'aide  reste dans les limites de la solidarité que l'on peut attendre entre membres de la famille, ou entre personnes proches, il n'y a pas de problèmes.

La difficulté commence lorsque l'aidant n'est pas, ou plus, en mesure d'apporter de limites :

 

  • dans la durée et le volume de l'aide qu'il apporte,
  • dans les compétences que requiert l'aide,

 

et lorsque l'on oublie que l'on est avant tout l'époux.se, l'enfant, le père ou la mère de la personne aidée, pour n'être plus que son aidant.e. Du «prendre soin» à «faire des soins»,  certains aidant ont malgré eux dérivé, pour faire face à la situation, jusqu'à effectuer des actes qui devraient être exclusivement du ressort de professionnels de santé.

En ateliers à la Maison des Aidants®, des aidants épuisés par cette dérive de leur rôle, apprennent à prendre du recul.

Eliane, après des années passées à aider sa fille handicapée nous dit 

«J'ai bien compris maintenant que :

Aider à la toilette, oui.

Faire la toilette, non.

Accompagner aux toilettes oui,

Poser une sonde urinaire non.

Je dois absolument me préserver si je veux accompagner ma fille encore longtemps. Or dans la spirale dans laquelle je m'étais laissée emporter, je réalise aujourd'hui que non seulement ma propre espérance de vie se réduisait drastiquement, mais que mes limites de compétences étaient largement dépassées et que je faisais prendre des risques aussi à ma fille».

 

Dans nos prochains articles, nous donnerons la parole à ces aidants qui étaient, comme Eliane, aspirés dans l'engrenage d'une aide sans limite, et qui ont fait le choix de changer leur façon d'aider pour se préserver, mais aussi pour préserver à long terme leur rôle d'aidant.e. 


Lire aussi « Qui sont les aidants? »


 ARTICLE N° 36 2-2 février 2020 LA MAISON DES AIDANTS / ANPERE