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Aidants 14 avril 2021

Personnes âgées et leurs proches aidant.es, des lignes qui bougent, un peu, beaucoup, pas du tout... ?


L'arrivée du printemps correspond au début de notre deuxième année sous l'égide de l'épidémie de covid 19, Malgré les incertitudes qui pèsent sur le moral de la société,  nous avons choisi de porter notre regard sur ce qui bouge et évolue, en dépit, et parfois du fait de la crise. La Maison des Aidants® Association nationale a recueilli les réflexions croisées d'ANPERE et de Pascal Jannot vice-président du Collectif Je t'Aide.


La Maison des Aidants® Association nationale :

Est-ce que la crise que nous continuons de traverser a eu, malgré tout, pour effet de faire évoluer des choses concernant les personnes âgées et leurs proches-aidant.es ?

 

ANPERE :

Sans aucun doute la crise a entraîné la prise de conscience de la détresse des personnes âgées en Ehpad et de leurs proches.

Si les premières mesures ont été draconniennes, laissant aujourd'hui encore des séquelles douloureuses dans la vie des personnes concernées (personnes âgées elles-mêmes, proches, et professionnels), le second ensemble de mesures, post-vaccinal, s'est assoupli (voir les recommandations en date du 12/03/2021).

 

Pascal Jannot :

Tout à fait d'accord. Et cette prise de conscience sociale est due à la fois aux réactions de révolte des proches-aidant.es face à ce qui leur semblait être un manque d'humanité, et à la prise de parole des personnels qui n'acceptaient plus d'avoir en quelque sorte un rôle «à contre-emploi» de leur vocation première qui est d'aider et de soigner.

 

ANPERE  :

Chacun.e se sentait dépossédé.e de son rôle ou de ses droits : la personne âgée se voyait privée de liberté, les proches privés de leur rôle de soutien, les professionnels reniés dans les fondements même de leurs métiers de l'aide ou du soin.

«Plus jamais ça !» ont-ils toutes et tous proclamé.

Ces milliers de voix qui se sont fait entendre ont amené les pouvoirs publics à intégrer à la nécessaire gestion de la crise une dimension plus humaine.

 

Pascal Jannot :

Le changement en général, c'est à dire le «faire autrement» n'est possible que s'il y a prise de conscience.

Dans ce sens, il y a fort à parier que cette crise, avec son lot de souffrances et de deuils, aura déclenché des processus de changement qui vont produire leurs effets sur le long terme.

Beaucoup de personnes âgées, en Ehpad ou non d'ailleurs, ont pu se questionner sur ce qu'elles souhaitaient ou refusaient sur le plan du rapport liberté/sécurité.

Les proches-aidant.es, perçus comme des menaces sanitaires, se sont interrogé sur le peu de valeur accordée à leur place et à leur rôle vis à vis de leur parent âgé en Ehpad.

Les professionnels ont été désorientés par les mesures coercitives qu'ils ont dû faire appliquer, alors que leur rôle consiste normalement à entourer de soins bienveillants.

Et on le voit d'ores et déjà dans des Ehpad : on réagit, on s'organise, on innove, on se concerte avec les proches pour ne plus jamais revivre ce qui s'est passé au début de la crise.

Des ouvrages sortent à ce propos, la période de confinement ayant été bénéfique à la réflexion et à la production écrite. Ouvrages de professionnels (*) mais aussi de résidents (**).

 

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ANPERE :

On peut aussi se demander si la relance du débat sur le droit à mourir dans la dignité n'a pas quelque chose à voir avec le contexte que l'on a vécu.

 

Pascal Jannot :

A propos de ce débat,  on voit toutefois que la suppression de l'article 1 du projet de loi déposé par la sénatrice M.Pierre de La Gontrie, indique bien que l'on n'est pas encore prêt en France à trancher sur la question éthique de l'aide active à mourir. N'est-on pas prêt pour des raisons conjoncturelles – la crise sanitaire comme l'évoque le ministre Olivier Véran  – ou parce que les mentalités ne le sont pas ?

 

ANPERE :

La sénatrice a d'ailleurs retiré son projet, considérant que la suppression de cet article, qui prévoyait d'inscrire dans le code de la santé publique le droit à l'aide active à mourir, équivalait à vider la loi de sa substance...

Dans le même temps, le ministre de la santé a annoncé la mise en œuvre en avril 2021 du 5ème plan triennal de développement des soins palliatifs.

 

Pascal Jannot :

Oui c'est un peu comme si l'on opposait les choses : les soins palliatifs plutôt que l'aide active à mourir... alors que les deux aspects sont liés. Les soignants et les familles qui accompagnent une personne sont souvent confrontés à l'un et l'autre de ces deux aspects.

Ce sont des questions complexes que chaque pays aborde avec sa culture.

A ce propos une personnalité bien connue dans notre milieu médico-social, Paulette Guinchard, qui fut entre autres secrétaire d'état chargée des personnes âgées, à l'origine de l'APA (Allocation personnalisée d'autonomie), a choisi au début du mois de mars, de mourir en Suisse par le dispositif du suicide assisté. Elle a voulu donner à son dernier geste une dimension militante.

 

La Maison des Aidants® Association nationale :

Anpere attache beaucoup d'importance à la question des liens intergénérationnels. Pensez-vous que la crise sanitaire a eu un impact, positif ou négatif, sur cet aspect ?

 

ANPERE :

Cette crise a mis en évidence la question de la ségrégation des âges...  Si tout le monde était, si l'on ose dire, à égalité devant les contraintes de la crise, seuls les plus âgés se sont vus pratiquement enfermés, sans droit de visite... Cela partait certes de la bonne intention de les protéger, mais c'était aussi les pointer du doigt comme ceux qui risquaient d'engorger notre système sanitaire... Les discours politiques se sont teintés d'âgisme. Heureusement cela a fait beaucoup réagir.

La campagne de l'OMS au travers de son guide «Lancer un dialogue sur l'âgisme» tombe à point nommé pour nous rappeler qu'une société qui s'auto-divise en fonction des âges n'est pas une société solidaire, et que tous les âges en pâtissent finalement.

 

Pascal Jannot :

Le lancement du programme «Service civique solidarité seniors » est aussi directement issu de la crise. Et ce mouvement pour rapprocher les générations qui étaient déjà à l'oeuvre avant la crise au travers de services innovants valorisant le lien intergénérationnel, va certainement s'amplifier.

Je veux croire que la crise aura eu pour effet, dans l'opinion publique, de faire prendre conscience de l'arbitraire des «classes d'âge» et aussi des préjugés : rappelons-nous le tollé provoqué par la phrase du premier ministre sur «papy et mamy qui ne doivent pas aller chercher les enfants à l'école». Cela lui a valu une lettre cinglante de la part de l'observatoire de l'âgisme (à lire ici).

 

La Maison des Aidants® Association nationale :

Y a t-il cependant des choses qui, du fait de la crise, sont bloquées ?

 

ANPERE :

De toute évidence la loi tant attendue «Autonomie et grand âge », puisque son report a été annoncé par le porte parole du gouvernement pour la fin de la crise sanitaire...

 

Pascal Jannot :

Ce nouveau report suscite beaucoup de déceptions... mais pas de surprise. Nous le redoutions et c'est ce qui s'est avéré, même si cela semble paradoxal au moment même où la crise met en évidence toutes les insuffisances de notre système de soutien aux personnes âgées et à leurs proches-aidant.es.


 

(*) voir notamment «Ehpad : des espoirs?» - Richard Vercauteren et Sylvain Connangle – Editions Erès

(**) voir la présentation du livre «Ma vie en Ehpad» d'Yves Malaurie

 

A voir aussi le documentaire diffusé sur Arte : «Soigner à tout prix»



Article N° 57 et 58 La Maison des Aidants® Association Nationale / ANPERE

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