Les taux des livrets d’épargne réglementés vont à nouveau augmenter, mais pas suffisamment pour protéger la valeur des sommes qu’ils abritent de l’inflation. Les ménages continuent pourtant d’investir leurs économies dans ces supports.


Les taux d’intérêt des livrets d’épargne réglementés vont augmenter le 1er février en raison de la hausse de l’inflation, a annoncé le 13 janvier le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire. Le taux du Livret A et du Livret de développement durable et solidaire (LDDS) passera de 2 % à 3 %, tandis que celui du Livret d’épargne populaire (LEP) atteindra 6,1 %, contre 4,6 % actuellement.

Les taux des livrets d’épargne réglementés sont fixés par l’État, sur proposition de la Banque de France, la banque centrale française. Ils sont révisés deux fois par an, en février et en août. Ces taux d’intérêt évoluent en fonction d’une formule de calcul prédéfinie, qui prend en partie en compte l’inflation. En France, l’inflation a fortement augmenté l’an dernier, de 5,9 % sur un an en décembre, selon l’institut national de statistiques Insee.

Tous les particuliers peuvent ouvrir un Livret A. Seules les personnes majeures ont la possibilité de posséder un LDDS (ce droit est étendu aux mineurs disposant de revenus personnels). L’ouverture d’un LEP est réservée aux personnes aux revenus modestes. Les sommes déposées sur les Livret A et les LDDS sont utilisées pour financer par des prêts les PME, le logement social, le secteur de la transition écologique ou encore l’économie sociale et solidaire.

Les différents types d’épargne

L’épargne des ménages correspond à la part de leur revenu disponible qui n’est pas utilisée pour des achats de biens et de services. Le revenu disponible comprend les revenus du travail et du patrimoine ainsi que les prestations sociales, déduction faite des impôts. Les ménages peuvent investir leur épargne dans des produits dits « de taux », dont la rémunération est garantie et déterminée par un taux d’intérêt, comme les livrets d’épargne réglementés ou non réglementés (conditions fixées par les banques) et les obligations. Les ménages peuvent aussi opter pour des produits dits « de fonds propres », tels que les actions. Ces produits sont susceptibles d’être plus rémunérateurs, mais ils sont aussi risqués dans la mesure où ni la valeur du capital investi ni sa rémunération ne sont garanties. Les ménages ont aussi la possibilité de conserver leur argent chez eux ou d’investir dans des produits tels que l’immobilier.

L’effet de l’inflation sur les produits de taux

Une inflation élevée nuit à l’épargne des ménages placée dans des produits de taux. Prenons l’exemple de Colette qui détient un Livret A auquel s’applique un taux d’intérêt de 3 % à partir du 1er février. Ainsi, si Colette possède 1 000 euros sur son livret, elle obtiendra dans un an 30 euros d’intérêts, soit 1 030 euros. Cependant, si l’inflation s’élève à 5 % sur cette même période, Colette aura besoin d’avoir 1 050 euros pour s’offrir ce qu’elle pouvait s’acheter avec 1 000 euros l’année précédente. Elle aura donc perdu 20 euros en plaçant son épargne. C’est ainsi qu’on distingue le taux d’intérêt nominal et le taux d’intérêt réel. Le premier correspond au taux prévu par le contrat et effectivement perçu par l’épargnant. Le second prend en compte l’inflation. Dans notre exemple, le taux d’intérêt réel, calculé en déduisant le taux d’inflation (5 %) du taux d’intérêt nominal (3 %) est négatif, à -2 %.Cependant, si Colette avait conservé ses 1 000 euros sous son matelas, elle aurait perdu encore davantage d’argent, puisque cette somme n’aurait produit aucun intérêt.

16,3 % de taux d’épargne en France

À la fin du troisième trimestre 2022, le taux d’épargne des ménages en France était de 16,3 %, contre 13,2 % pour l’ensemble des ménages de la zone euro, selon les données de l’institut européen de statistiques Eurostat. Le taux d’épargne est la somme épargnée par les ménages rapportée à leur revenu disponible. En France, hors immobilier, les ménages investissent leur argent principalement dans des produits de taux (près des deux tiers des sommes placées), selon les données de la Banque de France.


L’effet de l’inflation sur les actions

Certains économistes soutiennent que l’inflation a un effet négatif sur la rentabilité des actions. C’est le cas de l’Américain Eugène Fama. Dans un article de 1981, il expliquait que l’inflation nuit à l’activité des entreprises et, par conséquent, à leurs dividendes (la part des bénéfices reversée aux actionnaires). Les investisseurs s’attendant à recevoir moins de dividendes, les cours des actions baissent. D’autres économistes remettent en cause cet effet négatif. Selon le gestionnaire d’actifs Frédéric Buzaré, l’effet de l’inflation sur la rentabilité des actions dépend surtout du « pricing power » des entreprises, c’est-à-dire de leur pouvoir de fixation des prix. Si elles sont en mesure d’augmenter les prix de leurs produits ou de leurs services au moins au même rythme que l’inflation, sans réduire leur demande, alors elles ne compromettent pas leurs bénéfices et donc leurs futurs dividendes. C’est par exemple le cas des enseignes de luxe.


L’évolution de l’épargne face à l’inflation

Malgré la hausse de l’inflation, les ménages ont augmenté leur épargne, selon la dernière étude de la Banque de France portant sur le deuxième trimestre 2022. Un tel phénomène est fréquent en début de période d’inflation, analysait en avril le Cercle de l’épargne, un centre de réflexion. Il l’expliquait par « l’effet Pigou », du nom d’Arthur Cecil Pigou (1877-1959). Cet économiste britannique a démontré que, comme la hausse des prix diminue la valeur réelle du patrimoine financier des ménages, ces derniers sont contraints d’épargner davantage pour la maintenir constante. Pour y parvenir, ils réduisent leurs dépenses de consommation. Dans une tribune publiée en juin dans Les Échos, l’économiste Jean-Marc Daniel a analysé les données historiques concernant la France. Selon lui, l’« effet Pigou » se vérifie lorsque le taux d’inflation est compris entre 2 % et 8 %. Au-delà, il constate que les ménages réduisent leur épargne et augmentent leurs dépenses de consommation « par peur de voir les prix monter davantage ».