En dépit de son absence de date, un testament écrit sous seing privé n'encourt pas la nullité si des éléments extérieurs attestent du moment de sa rédaction, a jugé la Cour de cassation dans un récent arrêt.


Contrairement aux idées reçues, il n’y a pas besoin d’aller chez le notaire pour établir son testament. Une simple lettre suffit à exprimer ses dernières volontés. Toutefois, pour être valable, il faut que le document rédigé sous seing privé remplisse trois conditions. Primo, le courrier doit être entièrement écrit à la main, c’est pourquoi on parle de testament « olographe » (des mots du grec ancien « hólos » qui signifie « entier » et « grapho » qui veut dire « j’écris »). Cela permet de réaliser une analyse graphologique en cas de contestation d’un ou de plusieurs héritiers. Deuxio, il doit être signé, également pour prouver que le testateur (l’auteur du testament) est bien le défunt.

Tertio, il doit être daté. C’est, en effet, le testament le plus récent qui s’applique. La date permet aussi de vérifier que le testateur a rédigé le document à une période où il disposait de toutes ses facultés, notamment mentales. Mais si le testament olographe n’est pas daté, des éléments extérieurs peuvent être pris en compte pour attester le moment de sa rédaction, comme le souligne un arrêt daté du 22 novembre 2023 de la première chambre civile de la Cour de cassation.


Document validé en appel

La Haute juridiction avait à juger l’affaire d’une femme, décédée le 7 octobre 2015. Ses deux frères sont ses seuls héritiers. L’un d’entre eux présente le testament olographe de sa sœur défunte dans lequel elle le désigne comme son légataire universel. Le second frère écarté de la succession en conteste la validité, au motif que le testament a été, certes, écrit à la main et signé, mais au verso d’un relevé de son compte en banque et sans mention d’une date.

Dans un arrêt du 24 mars 2021, la cour d’appel de Paris valide quand même le document. Les juges de fond constatent que le relevé bancaire indiquait la valorisation de l’épargne de la défunte au 31 mars 2014. Or, cette dernière n’a été hospitalisée que le 27 mai 2014 jusqu’à son décès. Ils en concluent donc que le testament a été rédigé entre ces deux dates, soit à une période où les facultés intellectuelles de la testatrice n’étaient pas encore altérées.


Date pré-imprimée

Le frère se pourvoit en cassation. La plus haute instance de la justice française confirme le jugement en appel. « En dépit de son absence de date, un testament olographe n'encourt pas la nullité dès lors que des éléments intrinsèques à l'acte, éventuellement corroborés par des éléments extrinsèques, établissent qu'il a été rédigé au cours d'une période déterminée et qu'il n'est pas démontré qu'au cours de cette période, le testateur ait été frappé d'une incapacité de tester ou ait rédigé un testament révocatoire ou incompatible », justifie la Cour de cassation.

Elle ajoute qu’« une date pré-imprimée sur le support utilisé par le testateur pour rédiger son testament olographe peut constituer un élément intrinsèque à celui-ci. » En conséquence, la Cour rejette le pourvoi et condamne le frère à verser 3.000 euros de dommages et intérêts à sa belle-sœur, veuve de son frère, décédé au cours de la procédure. 


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