L'aidant est la personne qui vient régulièrement en aide,  à titre non professionnel, à une personne de son entourage qui ne peut effectuer seule tout ou partie des activités de la vie quotidienne. Cette aide peut prendre plusieurs formes : activités domestiques, gestion du budget, hygiène et soins, soutien moral, aide à la communication... Elle peut être prodiguée pour une période plus ou moins longue, de façon ponctuelle ou permanente. L'aidant peut être le parent, l'enfant, le conjoint, le partenaire de vie, mais aussi un voisin, un ami. La personne aidée peut être une personne âgée, malade ou handicapée, un adulte ou un enfant.


Si l'on souligne à juste titre l'engagement de 11 millions de femmes et d'hommes auprès d'un proche malade, âgé ou handicapé, il n'est cependant pas inutile de poser la question du choix d'être, ou de devenir, aidant. Les liens affectifs bien sûr dictent l'engagement de celle ou de celui qui aide. C'est une évidence pour 73 % d'entre eux, tandis que 15 % évoquent le sens du devoir. Mais 12 % d'aidants déclarent aussi ne pas avoir eu d'autres choix en raison de contraintes économiques ou familiales.(*)   La question du choix peut sembler un peu tabou, tant la société s'attend à ce que lorsqu'un proche perd son autonomie, les membres de la famille soient là pour l'aider en tous domaines... Ca ne se discuterait même pas. Et pourtant la question mérite notre attention.

Dans cet article nous allons tenter de mettre en évidence ce qui est de l'ordre des obligations légales d'assistance à un proche,  ce qui est de l'ordre de l'engagement affectif ou moral et ce qui pourrait résulter d'une forme d'injonction sociale.


Des obligations légales

La loi impose diverses mesures de soutien ou d'assistance à un proche : 

Cet ensemble d'obligation revêt (en dehors du devoir d'assistance entre époux) un caractère essentiellement matériel ou pécuniaire.

 On pourrait enfin ajouter l'obligation d'assistance à personne en danger, qui s'applique à tout citoyen envers quiconque, et qui si elle n'est pas accomplie peut conduire à la sanction de «non assistance à personne en danger». La notion de danger est ici très large et peut s'entendre vis à vis d'une personne en incapacité d'assurer sa propre intégrité physique ou psychique : le devoir de lui porter secours peut s'appliquer à tout témoin de sa détresse.

On le voit, si l'on se base uniquement sur le plan juridique, peu d'éléments contraignent à assumer l'aide nécessaire à un proche, en dehors du strict plan matériel.

C'est bien le devoir moral, le lien affectif, ou l'absence/insuffisance d'autres solutions qui porte 11 millions de femmes et d'hommes à accompagner un proche fragilisé.

 

Etre aidant : le paradoxe d'un choix qui s'impose

S'engager auprès d'un proche en perte d'autonomie se fait souvent sans même y réfléchir, tant cela paraît naturel et évident au nom du lien affectif : «c'est mon conjoint, mon enfant, mon père, ma mère, mon frère ... il est bien normal que j'assume»...

Il est d'autres situations où l'engagement est plutôt subi : «je n'ai pas le choix, qui d'autre sinon moi ? Il n'est pas possible d'assumer le coût d'un Ehpad»... 

Il est aussi des situations où il semble y avoir une forme de «prédestination» à devenir aidant :

  • plutôt les mères dans le cas de l'enfant handicapé,
  • la fille aînée vis à vis des parents,
  • celui ou celle qui est le plus proche géographiquement,
  • celui ou celle qui est sans emploi ou à la retraite, etc...

Ces assignations mettent l'aidant «désigné» en quelque sorte au pied du mur (ceci est encore plus marqué pour les femmes qui représentent 57 % des aidants).

En outre l'insuffisance des aides publiques pour soutenir la perte d'autonomie fait reposer sur les aidants la charge de fournir le différentiel.  On estime que 70 % de l'aide nécessaire au maintien à domicile repose sur les aidants, tandis que 30 % est apportée par l'aide légale de la société. 

C'est pour cela que les revendications des associations de soutien aux aidants portent sur un engagement plus fort des pouvoirs publics pour soutenir la perte d'autonomie, afin que celle-ci repose moins sur les aidants.

On lira avec intérêt le plaidoyer d'APF France Handicap «Aidantes, aidants familiaux : pour le libre choix d'aider et la reconnaissance de leur rôle».

 

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Etre ou devenir aidant : des questions légitimes à se poser

Lien affectif fort et inconditionnel, ou lien affectif distendu, être ou devenir aidant ne devrait pas être une injonction. Le rôle d'aidant doit pouvoir trouver ses limites, personnelles, subjectives, au-delà des liens  familiaux, conjugaux, sentimentaux, affectifs.

Le fils ou la fille d'un parent défaillant n'aura pas le même élan du cœur pour soutenir celui-ci dans la vieillesse ou la maladie, que le fils ou la fille ayant eu des parents aimants et dévoués (rappelons d'ailleurs que dans certaines situations extrêmes mais non rares les enfants peuvent être dispensés de l'obligation alimentaire envers leurs parents).

Au sein d'un couple conflictuel, l'engagement de l'un vis à vis de l'autre fragilisé par la perte d'autonomie ne se joue pas dans les mêmes termes qu'au sein d'un couple uni.

L'engagement des parents auprès d'un enfant handicapé peut devenir très pesant lorsque ce dernier est devenu adulte et que ces mêmes parents ont vieilli.

Et même dans un contexte de liens affectifs forts, il n'est pas illégitime de se poser un certain nombre de questions, particulièrement lorsque la perte d'autonomie du proche est prévisible et que l'on se trouve en situation de devenir potentiellement un aidant :

 

  • Ai-je envie d'endosser le rôle d'aidant auprès de mon proche ? Si ce n'est pas le cas, quelles solutions puis-je mettre en place ?
  • Quelle forme ai-je envie de donner à ce rôle par rapport à ma vie personnelle, professionnelle, sociale ?
  • Quelles limites ai-je envie de mettre à ce rôle ?
  • Qu'est ce que je peux faire pour aider mon proche et qu'est ce que je dois exclure ? (les soins corporels, les actes qui sont du domaine des professionnels de santé...),
  • Quelle part de l'aide puis-je déléguer à des services extérieurs ?
  • Qu'est ce que je tiens à assumer personnellement ?
  • Suis-je seul(e) à devoir m'engager auprès de mon proche, ou d'autres personnes peuvent-elles être sollicitées (fratrie, autres membres de la famille...) ?
  • Suis-je prêt(e) à reconnaître qu'il y a des choses que je ne sais pas faire ? Etc.

 

Ces questions font partie de ce que nous appelions, dans un précédent article «le savoir-être aidant».

Elles sont fondamentales car il n'y a pas, nous l'avons vu, d'obligation légale à être aidant d'un proche, au sens de la définition de l'aidant que nous rappelons sous le titre de cet article.

Ce rôle devrait pouvoir être choisi, avec des limites définies en fonction de chacun, sans en éprouver de culpabilité. 

Sans minimiser le fait que l'aide publique à la perte d'autonomie est insuffisante, il reste toutefois à l'aidant toujours une part possible de choix et de définition de ses propres limites.

Il est important de se questionner sans éprouver de gêne ou de mal-être, lorsque l'on voit se profiler la perte d'autonomie d'un proche, mais il tout aussi important de se questionner lorsque l'on est déjà aidant afin de rétablir les limites que l'on souhaite apporter à ce rôle. 

Les aidants, par manque de reconnaissance et de soutien, assument une part importante d'une charge qui devrait se répartir plus équitablement au sein d'une société solidaire.

Mais si la solidarité intra-familiale est une valeur, si chacun peut choisir selon son cœur l'engagement auprès de son proche fragilisé, nul n'est cependant tenu au sacrifice de sa propre existence. Et même si la marge de manœuvre est étroite pour les aidants, ceux-ci doivent continuer à affirmer leurs justes revendications pour exercer leur légitime choix d'accepter ou non d'endosser ce rôle.

 

(*) source «Aidant familial : une responsabilité qui coûte cher» - Avril 2017

ARTICLES N° 75 et N° 76 : La Maison des Aidants® Association Nationale / ANPERE