Dans les milieux professionnels, on est attentif à l'évaluation de la qualité. On dispose de méthodes, de critères... on a un cahier des charge, une charte qualité, des normes, on parle de démarche qualité... on cherche à mesurer la satisfaction du client, ou alors le bien-être du personnel, parfois les deux.


Dans l'entreprise, on parle de RSE (responsabilité sociétale de l'entreprise), qui intègre entre autres critères les relations et conditions de travail.

Dans le domaine médico-social, on dispose de référentiels pour évaluer la qualité des soins.

Mais comment mesurer la qualité dans le domaine de l'accompagnement d'un proche ?

Dans un schéma où il n'y a ni client, ni usager, ni produit, ni service... ?

Peut-on tenter d'évaluer la qualité de l'accompagnement en se basant sur trois éléments indissociables : la qualité de vie de l'aidant, la qualité de vie de l'aidé, et la qualité de la relation qu'ils entretiennent ?

Nous avons souhaité nous pencher sur la question et tenter de fournir dans cet article et ceux qui suivront, quelques réflexions et outils qui peuvent aider celles et ceux qui sont engagés dans une relation d'aide.

 

Des dossiers à poser sur la table 

Dans une très belle interview donnée au collectif Je t'Aide par le Dr Christophe Fauré, psychiatre qui accompagne des aidants de proches en fin de vie, celui-ci évoque justement la notion de qualité de l'accompagnement.

Cet entretien, qui date d'octobre 2017 n'a rien perdu de son actualité. Le Dr Fauré aborde en un quart d'heure, des notions fondamentales, telles que le paradoxe pour l'aidant de vouloir tout donner et de se confronter en même temps à ses propres limites, ou celui du sentiment du devoir qui vient heurter ses propres désirs.

L'interview est riche, dense et demande même à être écoutée plusieurs fois pour celles et ceux qui se reconnaissent dans les situations évoquées par ce médecin.

 

Nous retenons de son interview l'image des  «dossiers à poser sur sa table de vie» pour tenter d'y voir clair et de commencer à définir des limites et des priorités.

 

Anticiper, s'adapter pour maintenir un équilibre permanent, impliquer les autres,  se reconnaître comme aidant.e, reconnaître ses propres besoins, ne pas sur-interpréter les demandes ou attentes de la personne aidée, écouter les signaux de son propre corps...

 

sont quelques unes des clés qui peuvent à la fois :

 

  • permettre à l'aidant d'atteindre une certaine sérénité, malgré les difficultés inhérentes à son rôle, et malgré l'aspect douloureux que peuvent revêtir certaines situations,

 

  • permettre à l'aidé de vivre le mieux possible l'épreuve de sa maladie ou de son handicap, voire de sa fin de vie

 

  • et dans le même temps enrichir la relation qu'ils entretiennent.

 

On peut alors parler de qualité globale de l'accompagnement.

 

Le Dr Fauré  s'inscrit dans une approche pluridisciplinaire de l'aidance, que la société est malheureusement encore loin d'offrir aux aidants dans leur ensemble.

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S'essayer à un auto-diagnostic

 

Chacun peut cependant entreprendre une réflexion sur son rôle et sa relation d'aide, et l'impact que celle-ci peut avoir sur sa propre vie.

Le premier pas peut consister à faire un tour d'horizon, une sorte d'inventaire de tout ce qui constitue son rôle d'aidant. Il s'agit simplement de tenter de regarder objectivement, comme de l'extérieur, les éléments qui, mis ensemble, composent son rôle d'aidant.

On peut, à partir de la liste simplifiée ci-après, inventorier des domaines d'intervention et les tâches qui s'y rapportent. On peut ensuite noter si chacune d'elle représente une charge légère, moyenne ou lourde. Par exemple attribuer :

  • 1 à une charge ressentie comme légère ou facile,
  • 2 à une charge ressentie comme moyenne,
  • 3 à un charge ressentie comme importante ou difficile.

 

Les tâches indiquées sont répertoriées par domaine d'intervention de l'aidant vis à vis de l'aide nécessaire à son proche aidé :

 

Les tâches simples du quotidien de l'aidé.e          

Par exemple :

  • ménage, lessive, courses, préparation de ses repas,
  • petit entretien de la maison (bricolage, réparations...)
  • gestion du budget, prise ou rappel de ses rendez-vous (médicaux ou autres)
  • veille sur le respect des ordonnances médicales...

 

Les actes essentiels de la vie quotidienne de l'aidé.e                              

Par exemple :

  • la toilette, l'habillage, l'hygiène
  • lui faire prendre, ou l'aider à prendre ses repas
  • lui permettre de se repérer dans le temps (jour, mois, saison, souvenirs...) et/ou dans l'espace (lieux, pièces de la maison...) et/ou de reconnaître des personnes
  • l'utilisation des aides techniques (cannes, déambulateur, fauteuil...),
  • la prise de ses médicaments
  • l'utilisation des appareillages (dentaires, auditifs...) ou du petit matériel médical...

 

Ses mouvements ou déplacements à l'intérieur du domicile      

Par exemple :

  • Se déplacer du lit au fauteuil, avec ou sans l'aide d'appareillage
  • S'installer pour prendre ses repas
  • Changer de position sur le fauteuil ou au lit
  • L'accompagner aux toilettes...

 

Ses déplacements à l'extérieur                              

Par exemple :

  • l'accompagner aux rendez-vous (médicaux ou autres)
  • l'accompagner pour des sorties, des visites, ou pour participer à des activités...
  • l'accompagner au travail, à son établissement scolaire s'il s'agit d'un jeune, à son lieu de formation...

 

Le maintien de ses liens affectifs et de ses moments de plaisir  

Par exemple :

  • organiser ses loisirs (lectures, programmes Tv, jeux, activités...)
  • soutenir son moral ou encourager ses centres d'intérêt
  • stimuler sa mémoire ou ses facultés en général
  • cultiver les liens familiaux, sociaux ou amicaux
  • l'aider à utiliser le téléphone, la TV, l'ordinateur, la tablette...

 

Les soins qui concernent sa santé                         

Par exemple :

  • La préparation et l'administration des médicaments
  • La surveillance, la pose ou le changement des pansements, bas de contention, protections pour incontinence...
  • La prévention des escarres, les soins des mains, des pieds ou de la peau...
  • La veille sur le fonctionnement des accessoires (aérosols, oxygène...) ou des dispositifs médicaux
  • La surveillance des indicateurs de santé tels que tension, glycémie...

 

Chacun peut ajouter à cette liste non exhaustive des tâches particulières liées à la spécificité de sa propre situation. Un premier pas nécessaire pour entreprendre des améliorations dans la qualité de l'accompagnement

Ce premier tour d'horizon de son rôle d'aidant est souvent abordé lors des ateliers d'accompagnement des aidants. Certains aidants hésitent au début à le faire en avançant des arguments tels que :

  • je ne compte pas, je fais c'est tout,
  • je me sentirais coupable de décompter mes tâches, pour moi ce n'est pas un travail,
  • ou encore «c'est impossible à faire, puisque je fais tout»...

Pourtant, si l'on veut acquérir un premier niveau de conscience de son rôle, cette réflexion, qui demande en réalité assez peu de temps, est nécessaire.

C'est un premier pas nécessaire mais pas encore suffisant pour entreprendre des changements salutaires et s'orienter vers une amélioration de la qualité de l'accompagnement... C'est pourquoi nos prochains articles seront consacrés à l'approfondissement de cet auto-diagnostic.

 


ARTICLES N° 97 et 98: La Maison des Aidants® Association Nationale / ANPERE