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Aidants 5 juin 2020

Être aidant au temps du confinement – Trop près ou trop loin, mais toujours inquiets - Partie 2


Dans notre précédent article «Trop près ou trop loin mais toujours inquiets» nous avions écouté des proches aidants qui parlaient de leur expérience du confinement. Plus que des considérations générales sur les aidants, leurs témoignages sont en effet le meilleur moyen de rendre compte de leur vécu durant cette période critique. Expériences aussi diversifiées que le sont celles du reste de la population, mais avec le dénominateur commun de la responsabilité qu'ils ont vis à vis d'un proche fragilisé. Nous continuons à leur donner la parole.


Danièle, habituée au confinement

Danièle est depuis plusieurs mois en coaching téléphonique avec La Maison des Aidants®. Jointe par téléphone pour prendre de ses nouvelles, elle fait part de ce qu'elle ressent :

 

Le confinement, en soi, ça n'a  pour ainsi dire rien changé pour moi, étant donné que depuis maintenant des années je n'ai plus aucune vie sociale ou extérieure.

Mais ce qui a manqué, ce sont les visites des enfants et des petits enfants qui apportent au sein du foyer la continuité d'une vie familiale heureuse, comme autrefois.  

 

(Ces visites apportent aussi à son mari une stimulation qui lui permet, malgré l'évolution très avancée de sa maladie, de garder le lien avec les siens – ndr)

 

Jean-Paul (le mari de Danièle dont elle est l'aidante – ndr)  a ressenti cette absence, même s'il ne peut l'exprimer, explique Danièle. Il s'en est suivi des épisodes d'agitation, de cris, de colère... que j'ai eu beaucoup de mal à gérer.

 

Ce qui m'angoisse aussi énormément, ce sont les différentes interventions extérieures pour la toilette, le lever, le coucher et les soins... sachant que les personnels ne sont pas bien équipés en matériel de protection. Je ne le suis pas d'avantage d'ailleurs puisque je n'ai encore pas pu me procurer de masques.

 

Je dois l'avouer, moi qui ai appris à n'avoir plus peur de rien, j'ai peur qu'à travers eux le virus entre à la maison. C'est sans doute irraisonné de ma part, mais c'est comme ça. Du coup j'ai préféré me passer d'aide pour le lever et limiter à un jour sur deux le passage pour la toilette. Cela fait ainsi un peu moins de mouvement, mais encore plus de travail pour moi,

Ce n'est pas très rationnel me disent les enfants. Ils ont raison sans doute. Mais c'est ma façon à moi de me rassurer.

 

La peur de contaminer qu'évoque Danielle revient très fréquemment dans ce que les aidants expriment. Sortir faire les courses, aller travailler, sont autant de situations vécues comme angoissantes. La bulle de sécurité que l'aidant construit autour du foyer où vit le proche vulnérable est menacée par les incursions au dehors ou par l'intervention au domicile des personnes extérieures pour apporter les soins ou l'aide.

Les aidants témoignent de n'avoir pas pu se faire délivrer de masques à la pharmacie, même sur prescription médicale. Les pharmacies ont en effet appliqué à la lettre les consignes gouvernementales de réserver les masques aux seuls soignants professionnels. La situation a maintenant évolué, mais avec toujours des difficultés d'approvisionnement selon les lieux.

Jérôme découvre son fils

Pour Jérôme l'expérience du confinement a été l'occasion d'une prise de conscience pas toujours facile à vivre. Il s'est adressé à la Maison des Aidants® pour trouver du soutien.

Père de Valentin, 6 ans, atteint d'autisme, Jérôme est séparé de la mère de son enfant. Cette dernière en a la garde principale et Jérôme accueille son fils un week-end sur deux et la moitié des vacances. Il est dans ce cas aidé par ses parents.

Peu avant le confinement Jérôme était en recherche d'emploi suite à un licenciement. Son ex-épouse a dû continuer son activité professionnelle. Compte tenu de la fermeture de l'I.M.E. (Institut médico-éducatif) dans lequel l'enfant est scolarisé, Jérôme, disponible, s'en est occupé à temps plein.

 

Je suis épuisé – déclare Jérôme – Je suis totalement démuni pour gérer Valentin 24/24 h.

Je réalise, avec beaucoup de culpabilité, que je n'avais jusqu'alors pas compris pourquoi mon ex-épouse était aussi accaparée par Valentin (ce qui a provoqué la mésentente et la séparation du couple – ndr).

Je me rends compte que lorsque je prends Valentin avec moi les week-ends et vacances, je suis toujours soutenu par mes parents. Jamais je ne m'en suis occupé tout seul.

Je n'ai donc jamais réalisé à quel point son handicap est sévère. Les reproches de la mère de mon fils à mon égard m'apparaissaient injustifiés, mais maintenant je les comprends.

 Je m'en veux aujourd'hui terriblement.

Je me demande si je vais me remettre en recherche d'emploi ou choisir de rester disponible pour m'occuper de mon fils et rattraper le temps perdu.

L'expérience de Jérôme rejoint celle de milliers d'autres proches aidants de personnes souffrant de troubles psychiques. Les difficultés si particulières de ces aidants avaient d'ailleurs été entendues puisque le Président de la République, dès le 1er avril, avait annoncé des règles d'assouplissement du confinement pour certains handicaps.

  

Dans notre prochain article, nous continuerons à donner la parole à d'autres aidants ayant vécu chacun à sa manière l'expérience du confinement et vivant celle actuelle du déconfinement qui se poursuit.


A lire :

Comment vivre le confinement avec un enfant autiste


 

ARTICLE N° 41 MAI 2020   LA MAISON DES AIDANTS /  ANPERE

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