Un sentiment immense de culpabilité


 

Céline, fille unique a accompagné sa mère Jeannine, qui était tombée très gravement malade, durant quatre années.

Céline avait dû réduire son temps de travail afin de s'occuper de tout : courses, rendez-vous médicaux, accompagnement à l'hôpital pour les séances de chimio-thérapie, etc.

Son couple était menacé car son mari ne supportait plus ce mode de vie dans lequel Céline se dédiait totalement à sa mère, passant plus de temps au domicile de celle-ci que dans son propre foyer.

Céline a fait appel à La Maison des Aidants® pour l'aider à faire face à sa situation.

Elle témoigne pour nous :

Au retour d'une nouvelle hospitalisation en septembre 2019, maman, de plus en plus affaiblie, chutait régulièrement.

J'étais appelée par le service de télé-assistance au travail, de jour comme de nuit. Plusieurs fois il a fallu la conduire aux urgences.

Ce n'était pas de gaîté de cœur, mais j'ai réussi à la convaincre d'intégrer un Ehpad. Une place s'est libérée en décembre 2019.

L'adaptation a été très difficile. Maman, n'ayant que 74 ans, ne se sentait pas à sa place parmi des personnes beaucoup plus âgées.

Elle m'appelait régulièrement, à n'importe quelle heure, pour me demander de venir la chercher. Malgré des visites et des sorties très fréquentes, elle me faisait le reproche de l'avoir abandonnée.

Je suis très proche de ma mère qui m'a toujours comblée d'attentions et d'affection. Mais son veuvage et sa maladie ont profondément modifié son caractère.

J'ai souvent failli céder car la situation me cause énormément de chagrin, mais je savais que c'était alors à ma propre vie personnelle et professionnelle que je devais à nouveau renoncer.

Et puis vers la fin janvier 2020, la situation a soudain évolué très positivement.

Maman a fait des rencontres amicales au sein de l'Ehpad, s'est mise à participer à plusieurs activités, s'est volontairement initiée à internet pour communiquer avec moi afin que j'ai moins besoin de venir sur place. En somme tout entrait dans l'ordre et je pouvais enfin vivre sereinement, en la sachant en sécurité et bien dans sa nouvelle vie.

En mars arrive le confinement : plus d'activités, plus de visites, plus de sorties... Maman a très vite été complètement déprimée et m'a accablée de reproches pour l'avoir fait entrer en Ehpad.

J'étais très près de la faire sortir de l'établissement... mais j'en connaissais toutes les conséquences pour moi.

Durant toute cette période du confinement, M.H. (l'interlocutrice de Céline - ndr) m'a vraiment soutenue pour gérer cet énorme sentiment de culpabilité que j'éprouvais... et que j'éprouve encore. Dès que cela a été autorisé, j'ai rendu visite à ma mère, mais elle se montre hostile, regarde ailleurs, et refuse l'échange.

Je me fais énormément de souci pour sa santé, car elle a maigri. Et quand je pense que cette situation va encore durer...

Maman n'étant pas très âgée, j'ai en plus l'impression que l'établissement me laisse me débrouiller avec elle lors des visites. J'aurais aimé qu'un membre du personnel encadre un peu nos échanges pour essayer de renouer le dialogue. Mais on m'a expliqué que maman n'était pas «demandeuse» et que l'on respectait son souhait. J'ai l'impression de passer en plus pour une mauvaise fille...

728 000 personnes âgées vivent dans un établissement. La période que nous traversons est difficile pour tous, mais les personnes âgées et leurs proches auront en tout état de cause payé un très lourd tribut, en termes de décès comme nous le savons, mais aussi de dégradation de la qualité de leur vie.

Des retrouvailles trop encadrées pour Jean-François, pas suffisamment pour Céline, des âges différents, des formes de perte d'autonomie différentes... Chaque situation est unique, et il serait bien difficile de rendre compte de cette diversité.

Mais au travers des témoignages de Jean-François et de Céline, c'est à toutes les personnes âgées et à leurs proches aidants que nous souhaitons rendre hommage.

 


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Des ressources pour soutenir et accompagner les proches aidants – Ministère des solidarités et de la santé


ARTICLE N° 42/2 LA MAISON DES AIDANTS / ANPERE / JUILLET 2020