Dans notre précédent article «Personnes âgées, stéréotypes et préjugés», nous évoquions la souffrance individuelle et sociale que produisent les stéréotypes sur les personnes les plus âgées. Marcelle, 92 ans, apportait son témoignage. Mais nous pouvons aussi songer aux multiples situations de la vie courante dans lesquelles la personne âgée peut se sentir reléguée, humiliée ou ignorée.



Un environnement hostile aux plus vulnérables

Si nous y portons un minimum d'attention, nous pouvons constater que des comportements d'intolérance sont observables tous les jours :

  • dans la rue (automobilistes fustigeant la lenteur d'un.e automobiliste plus âgé.e au volant)
  • dans les commerces (clients qui trouvent que la personne âgée trop lente à la caisse pourrait choisir une heure creuse pour faire ses courses)
  • dans les services publics (usagers marmonnant que si tout le monde passait autant de temps à demander des renseignements...), etc.

 

Si nous regardons la ville avec un œil critique,  nous constaterons qu'il n'y a pas de bancs pour faire une halte, que les trottoirs sont impraticables avec un déambulateur ou un fauteuil roulant, que toutes les formes automatisées d'ouverture-fermeture des portes sont hostiles à la lenteur et peuvent prendre un caractère effrayant pour qui n'a plus la rapidité d'esquive ou de réaction.


Construire des territoires bienveillants pour tous les âges : le réseau des villes amies des aînés

Mais cet environnement hostile aux plus âgés l'est aussi pour les plus jeunes, ou pour les personnes fragilisées ou handicapées. Si sur un trottoir un déambulateur ne passe pas, une poussette n'y passe pas non plus !

S'il n'y a pas de banc pour faire une halte, même un jeune athlète qui a une jambe dans le plâtre ne peut pas entreprendre un trajet à pied !

 

Le réseau mondial «Villes et communautés amies des aînés» parle de construire des territoires bienveillants à l'égard de tous les âges. Cette organisation née en 2010 à l'initiative de l'OMS (Organisation mondiale de la santé) encourage et donne un cadre aux villes de toutes tailles qui souhaitent agir concrètement pour la qualité de vie dans tous les domaines : espaces extérieurs, habitat, lien social, culture et loisirs, participation citoyenne... dans le respect et la volonté d'inclusion sociale des aînés.

Environ mille villes et communautés dans le monde adhèrent à ce réseau, dont une centaine en France.


Des initiatives dynamiques 

Plus si jeunes mais pas si vieux, c'est le slogan que s'est donné l'association Old'up qui s'attache à promouvoir une autre idée de la vieillesse. Cette association très créative s'implique par exemple dans la recherche sur les technologies pour l'autonomie  afin d'apporter aux jeunes chercheurs l'expérience utilisateur, ou auprès de la SNCF pour tester l'accessibilité des trains et des gares.

Marie-Françoise Fuchs, aujourd'hui présidente d'honneur, en faisait en 2013 une présentation très éclairante : lire la vidéo.

 

Une autre initiative particulièrement innovante, celle de deux jeunes qui ont fait le constat suivant :

« Aujourd’hui, on a du mal à parler du vieillissement. On parle des vieux comme d'une cohorte démographique, un "poids" économique. Ou alors on en parle pas du tout.[...] Du coup, on a voulu prendre le contrepied du discours ambiant et parler autrement de la vieillesse, en donnant la parole à ceux qui la vivent ».  

Clément Boxebeld et Julia Mourri ont ainsi créé Oldyssey, le site sur lequel on peut visionner leurs reportages passionnants sur les vieux de France et du monde entier. Un regard sur la vieillesse plein de chaleur, de beauté et d'enthousiasme !


Des initiatives locales et un rapport ambitieux pour les multiplier 

Des associations, comme les Petits frères des pauvres, œuvrent à rapprocher les générations au travers d'actions de terrain (voir l'article), et d'initiatives telles que ce centre de rencontre des générations, situé en Sologne. En milieu rural ou urbain, l'habitat intergénérationnel se développe. A Tourcoing, c'est un Ehpad qui partage ses locaux avec une crèche (lire la vidéo).

 

Le récent rapport «Réussir la transition démographique et lutter contre l'âgisme» de la députée Audrey Dufeu Schubert est ambitieux et aborde en 86 propositions les révolutions que notre société doit opérer pour réussir ce défi. La loi «Autonomie et grand âge» reste à venir et il faut espérer que ces propositions y soient intégrées, sans quoi l'approche du vieillissement resterait sur le seul registre médico-social.

 

«Nous ferions une erreur à ne pas reconnaître les aînés. Ils sont le reflet de notre propre humanité. Les personnes âgées sont l’image de ce que nous sommes et de ce que nous serons, pour les plus chanceux d’entre nous. Mieux considérer ce qu’ils sont, ce qu’ils nous offrent et leur apporter notre reconnaissance, c’est assurer le continuum de la vie et des générations entre elles.Nous devons transformer notre regard porté sur l’âge pour que chacun puisse profiter de sa propre longévité, que chacun puisse trouver sa place»...

 

Ce texte est extrait de la conclusion du rapport de Mme Dufeu Schubert et résume bien que l'enjeu n'est pas seulement une meilleure prise en charge du grand âge mais une prise de conscience que le vieillissement fait, tout comme la mort, partie de la vie.  


 A lire aussi :


 ARTICLE N° 33 1-2 Janvier 2020 LA MAISON DES AIDANTS/ANPERE