"Effet matrice" : pourquoi la structure d’un aliment change tout
Quand on parle de nutrition, on pense souvent aux calories, aux fibres, aux protéines… Mais ce qu’on oublie souvent, c’est que la structure physique d’un aliment – autrement dit, sa forme et son degré de transformation – est tout aussi importante que sa composition.
Ce phénomène, les scientifiques l’appellent "l’effet matrice alimentaire". L’idée ? Deux aliments contenant les mêmes nutriments peuvent avoir des effets très différents selon leur structure. Autrement dit, un pois chiche entier n’a pas le même impact qu’un pois chiche mixé, même si les deux contiennent exactement les mêmes protéines, fibres et glucides.
Une étude inédite montre l’impact de la transformation sur la digestion
Une étude publiée en juin 2025 dans la revue Nature Metabolism apporte un éclairage scientifique très intéressant sur ce sujet. Réalisée par des chercheurs du département de nutrition de l’Imperial College de Londres, elle s’est appuyée sur un protocole expérimental très rigoureux.
Pendant trois jours, dix volontaires ont consommé des pois chiches préparés de trois façons :entiers, avec des cellules intactes (comme dans une salade) ; partiellement broyés, avec des cellules séparées (comme dans un houmous) ; complètement mixés, avec la structure cellulaire détruite (comme dans une soupe ou une purée très lisse). Les participants ont été équipés d’une sonde nasogastrique, permettant aux chercheurs d’analyser en temps réel le contenu de leur tube digestif. Des prises de sang ont également été réalisées pour suivre le taux de sucre et les hormones liées à la digestion et à la satiété.
Une digestion plus lente et plus bénéfique avec les aliments entiers
Résultat : plus la structure du pois chiche est intacte, plus la digestion est lente et progressive, ce qui a de nombreux bénéfices. Et pour cause : quand on mange des pois chiches entiers, la paroi cellulaire végétale agit comme une barrière protectrice. Elle empêche les enzymes digestives de libérer immédiatement les sucres (comme l’amidon) dans l’estomac. Ce processus ralentit la digestion, permet une libération progressive du glucose dans le sang, et prolonge la sensation de satiété.
À l’inverse, quand on mange des pois chiches mixés (purée, soupe), les cellules sont déjà brisées. L’amidon est libéré très rapidement, transformé en sucres simples (comme le maltose), puis absorbé presque instantanément dans le sang. Cela entraîne un pic de glycémie (hausse brutale du taux de sucre dans le sang), une sécrétion rapide d’insuline, puis une chute du taux de sucre, avec un retour précoce de la faim.
Un impact direct sur la satiété et le métabolisme
L’étude a également mesuré les effets hormonaux. Lorsqu’un aliment est digéré lentement, certaines hormones sont sécrétées de façon progressive : le GLP-1 (hormone de satiété), le PYY (régule l’appétit), et le GIP, qui aide à réguler la glycémie.
Avec des aliments entiers, ces hormones sont sécrétées en douceur et sur la durée, ce qui stabilise l’appétit. En revanche, avec des aliments trop transformés, la digestion est si rapide qu’elle provoque des à-coups hormonaux : on a faim plus vite, et on grignote plus.
Attention au diabète et à la prise de poids
Les scientifiques rappellent que cette digestion trop rapide peut, à long terme, déséquilibrer notre métabolisme, voire augmenter le risque de développer un diabète de type 2, une maladie métabolique fréquente dans les pays industrialisés.
Pourquoi ? Parce que le corps, exposé trop souvent à des pics de sucre et à des vagues d’insuline, finit par devenir résistant à l’insuline, ce qui entraîne une hyperglycémie chronique… et peut déboucher sur un diabète.
C’est la raison pour laquelle la forme du glucide compte autant que sa quantité. Un pois chiche entier est bien moins "glycémiant" qu’un pois chiche mixé, même s’il contient autant de glucides.
Ce que l’industrie agroalimentaire nous fait souvent oublier
Les chercheurs mettent aussi en cause les aliments ultra-transformés. Ces produits industriels contiennent souvent des ingrédients dits "a-cellulaires" ou "a-matriciels", c’est-à-dire des substances dénuées de structure naturelle (isolats de protéines, sirops de glucose, poudres, extraits, etc.). Résultat : les nutriments deviennent trop facilement absorbables, comme dans les aliments liquides. Cela modifie profondément la digestion et accélère la survenue de maladies métaboliques.
Conseils pratiques : comment mieux consommer les légumineuses ?
Voici quelques gestes simples à adopter au quotidien pour profiter au mieux des bénéfices des légumineuses :
- Privilégier les formes solides ou entières : lentilles en salade, pois chiches entiers, haricots blancs mijotés…
- Réserver les purées et soupes aux occasions ponctuelles (houmous, veloutés, etc.), mais pas tous les jours.
- Mâcher ses aliments : la mastication déclenche des signaux de satiété au cerveau et ralentit naturellement la digestion.
- Cuisiner maison pour maîtriser le degré de transformation. Par exemple, écraser légèrement les pois chiches plutôt que de les mixer longuement.
- Choisir des aliments peu transformés au supermarché : lire les étiquettes et éviter les préparations à base de poudres, purées, ou extraits reconstitués.
- Penser aux céréales complètes et aux fruits entiers : même principe que pour les légumineuses !
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