Dans un précédent article (Etre ou devenir aidant – dans quelle mesure a-t-on le choix?), nous évoquions la marge de manœuvre étroite, mais existante, dont disposent les aidants pour définir des limites à leur rôle, afin que ce dernier ne se confonde pas avec leur propre vie. Dans cet article nous allons développer cette notion de choix, en collaboration avec La Maison des Aidants® Association Nationale.


Quelques portraits-robots...

Pour Pascal Jannot, président fondateur de La Maison des Aidants® Association Nationale , l'expérience d'accompagnement de centaines d'aidants permet de dégager des grandes lignes dans les attitudes ou postures adoptées par les aidants vis à vis de leur rôle.

Les typologies qui suivent sont simplement descriptives, issues de l'observation, et il ne faut en aucun cas y voir un jugement de valeur.

En outre, elles ne sont pas exclusives les unes des autres, et tout aidant peut se reconnaître dans un ou plusieurs de ces «portraits-robots» :

 

  • L'aidant fusionnel : c'est celui qui est d'abord guidé par le plan émotionnel, la compassion, l'envie de réparer cette forme d'injustice qu'est la maladie ou le handicap en se dédiant au bien-être du proche jusqu'à fusionner sa propre vie avec celle de la personne aidée. Il peut y avoir conscience de la part de l'aidant qu'il a ses propres limites, mais celles-ci sont constamment repoussées.

 

  • L'aidant qui s'ignore : c'est celui qui fait face sans se poser de question, qui au jour le jour s'adapte aux aléas liés à la santé du proche. Il considère l'aide qu'il apporte comme naturelle. Du fait qu'il n'a pas conscience de son rôle, il ne mesure aucune limite de fatigue ou de compétence.

 

  • L'aidant par devoir : il est motivé par un sentiment de reconnaissance envers la personne aidée. Il considère qu'il lui doit son aide, dans une forme de gratitude vis à vis du passé («mes parents ont tout fait pour moi»), ou dans une forme de loyauté vis à vis de ce que ferait l'autre personne à sa place («si c'était moi à sa place, il est certain qu'elle/il ferait de même). Ne pas accepter à cent pour cent le rôle d'aidant serait vécu comme un manque de droiture. La crainte de ne jamais faire assez est souvent présente.

 

  • L'aidant désigné : c'est celui que les autres (membres de la famille) désignent comme étant le plus à même de s'occuper du proche. Les raisons peuvent être diverses : proximité affective ou géographique, retraité ou sans emploi, disposant d'une compétence (pour assurer l'administratif, ou les soins par exemple) ou d'une qualité particulière (la patience, la douceur, l'expérience...). Cet aidant, en plus d'aider, porte souvent sur ses épaules la «nécessité» d'être à la hauteur aux yeux de ceux qui l'ont «désigné».

 

  • L'aidant résigné : c'est une condition assez difficile à vivre, car elle est vécue comme une fatalité, sans espoir d'amélioration, sans perspective de changement. Il y a souvent un sentiment de solitude, d'abandon de la part des autres ou de la société. L'aidant pense ne plus avoir aucune prise sur sa propre vie qui se confond avec son rôle. Le pessimisme accompagne souvent cette condition.

 

  • L'aidant exclusif : il considère que nul ne peut faire mieux que lui pour le proche fragilisé. Il va donc avoir tendance à assumer toutes les tâches sans compter son temps ou son effort, voire exclure toute aide extérieure. Il considère aussi que son proche n'accepterait que lui pour l'aide et le soin nécessaire. Il y a généralement peu d'anticipation sur le risque de ne plus pouvoir un jour faire face. Il y a aussi parfois un effacement des limites entre les soins courants et les soins qui nécessiteraient l'intervention de professionnels.

 

Des ressorts psychologiques complexes sous-tendent chacune de ces postures. S'ils ne sont pas mis au jour, ils oeuvrent en sourdine, débouchant sur les risques désormais bien identifiés d'épuisement, de renoncements divers, de retrait de la vie sociale, d'affaiblissement de la santé de l'aidant, etc.

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Pour se préserver et être en capacité d'aider son proche dans la durée, il est impératif selon La Maison des Aidants Association Nationale d'évoluer vers une autre posture, celle de l'aidant-décideur. 

 

Par ce terme, qui donne volontairement une idée novatrice de l'aidant, La Maison des Aidants® Association Nationale souhaite promouvoir auprès de celles et ceux qui aident une nouvelle façon d'appréhender le rôle d'aidant, que nous sommes pratiquement tous appelés à jouer un jour.

Pour son président fondateur, Pascal Jannot, l'aidant-décideur est celui qui va d'emblée appréhender la situation, anticiper son évolution, mettre en place des stratégies, établir des limites dans son rôle et veiller à les maintenir en réadaptant la stratégie au fur et à mesure de l'évolution des besoins du proche.

Si cette posture est maintenue dans le temps, c'est certainement celle qui est la plus à même de préserver l'aidant du risque d'épuisement. Elle n'empêche ni le dévouement, ni les sentiments, ni l'empathie, ni l'engagement, ni la loyauté vis à vis du proche aidé, bien au contraire.

Elle implique de renoncer à tout sentiment de culpabilité pour se projeter à long terme dans une vision dynamique de la relation d'aide.

 

Pour initier le processus vers cette forme d'aidance, plus choisie et moins subie, il est nécessaire de se poser un certain nombre de questions fondamentales.

Cela est particulièrement vrai au début du parcours d'aidant (lorsque la perte d'autonomie s'annonce) mais reste valable à n'importe quel stade du parcours si l'on réalise que le rôle d'aidant joue négativement sur sa propre santé, sa vie personnelle, sociale ou professionnelle.

La question initiale, qui ouvre la boîte de Pandore dont sortiront toutes les autres est selon Pascal Jannot :

«quel type de relation est-ce que je veux conserver ou développer avec mon proche (conjoint, enfant, parent...) en dépit de la maladie ou du handicap ?».

 

A partir de la réponse donnée, on pourra suivre le fil d'Ariane qui peu à peu va permettre une sortie du labyrinthe pour parvenir au final à une situation mieux vécue par l'aidant.

Notre prochain article sera dédié au développement de cette question initiale, et nous conduira de surprise en surprise parfois, vers une ouverture sur les possibilités, plus nombreuses qu'on ne le croit, d'aider sans s'épuiser.

 

Cela ne doit pas empêcher par ailleurs de continuer à militer pour une plus juste reconnaissance des aidants, et un engagement plus fort de la société à leur égard.

Il faut sans cesse rappeler que la part de la contribution publique à la prise en charge de la dépendance est trop faible par rapport aux besoins. Dans un tel contexte, c'est sur les aidants que pèse la compensation entre le financement disponible et l'aide nécessaire.

C'est pourquoi le Collectif Je t'Aide interpellera les candidats à l'élection présidentielle, en demandant à nouveau et entre autres, l'augmentation des plans d’aide et la baisse du reste à charge des aidant.es afin de permettre l’accessibilité financière des services aux aidé.es et de mieux optimiser la coordination des professionnel.les à domicile.(Lire ici les 10 propositions du Collectif Je t'Aide pour les candidat.es à l'élection présidentielle).


ARTICLES N° 77 et N° 78 : La Maison des Aidants® Association Nationale / ANPERE