Avec près d’un français sur cinq concerné ou appelé à l’être au cours de sa vie, les troubles psychiatriques constituent un enjeu de santé publique majeur. Faire progresser la recherche dans ce domaine devient donc une urgence. C’est pourquoi la recherche française en psychiatrie se dote d’un vaste projet, ProPSY, pour permettre des diagnostics plus précis et des traitements individualisés dans les cas de dépressions résistantes, de troubles bipolaires, de troubles du spectre autistique et de schizophrénie.


Première cause de handicap, d’absentéisme au travail, de décès chez les jeunes adultes et de mort prématurée, engendrant de nombreux coûts directs et indirects s’élevant au total à près de 160 milliards d’euros, les pathologies mentales concernent entre 10 et 13 millions de personnes dans notre pays. Un nombre qui, dans un contexte marqué par les vagues successives de Covid-19, de crise climatique ou de guerre en Ukraine, a tendance à augmenter alors même que l’offre de soins en psychiatrie traverse une crise aigüe.

 

Cibler les pathologies les plus invalidantes

Parent pauvre de la médecine, le secteur de la psychiatrie est reconnu comme particulièrement sinistré. On sait pourtant aujourd’hui qu’un euro investi dans la recherche en psychiatrie conduit à 1,37 euros de gain grâce à la diminution du nombre d’hospitalisations, d’arrêts de travail de longues durées, etc. Heureusement, les choses commencent à changer comme en témoigne le projet ProPSY (Programme de recherche en psychiatrie de précision, co-piloté par l’Inserm et le CNRS, qui s’est vu doter en juillet dernier d’un financement de 80 millions d’euros sur cinq ans), ciblant quatre pathologies mentales parmi les plus invalidantes : la dépression resistante, les troubles bipolaires, les troubles du spectre autistique et les schizophrénies.

 

Cesser de donner les mêmes médicaments à tout le monde

Alors qu’en ce qui concerne les maladies cardiovasculaires et le cancer, les progrès accomplis permettent désormais de définir les traitements de manière plus individualisée, il n’en est pas du tout de même pour les maladies psychiatriques au sein desquelles on rassemble des groupes de patients très hétérogènes à qui l’on administre les mêmes médicaments alors qu’ils mériteraient une prise en charge particulière. Dans ce contexte, l’ambition de ProPSY est de mieux classer les patients en créant des sous-familles distinctes des quatre maladies mentales retenues afin de proposer les meilleures stratégies possibles de prévention, de dépistage, de diagnostic et de suivi. Pour ce faire, il convient d’identifier pour chaque sous-groupe les biomarqueurs spécifiques, que ces derniers soient génétiques, moléculaires, de neuro-imagerie, de neuro-inflammation, chronobiologiques, cognitifs, psychologiques, électrophysiologiques. L’objectif final étant de pouvoir porter un diagnostic précoce et précis sans avoir à se fonder sur la seule observation clinique dont on sait qu’elle s’appuie sur des critères subjectifs.

 

Connaître les facteurs de risque

De plus en plus de travaux semblent indiquer que les pathologies psychiatriques résultent d’interactions entre les facteurs génétiques et les facteurs environnementaux. Il est donc important que la psychiatrie de précision tente de comprendre l’influence de l’environnement sur la manifestation des affections polygéniques que sont les maladies mentales. Il a ainsi été démontré récemment qu’il y a deux fois plus de schizophrènes dans les grands centres urbains qu’en milieu rural, probablement en raison d’un surcroit de pollution et de stress.

 

L’immuno-psychiatrie, un domaine en plein essor

On appelle immuno-psychiatrie l’étude des liens entre l’apparition de symptômes neuropsychiatriques et les dérèglements du système immunitaire. Les chercheurs s’intéressent notamment aux anticorps qui, au lieu de nous défendre contre les agressions, s’attaquent à nos propres cellules et se dirigent parfois contre des récepteurs cérébraux indispensables au bon fonctionnement des synapses, générant au passage des symptômes psychotiques. Il a ainsi été démontré qu’entre 10 et 20% des patients diagnostiqués schizophrènes sont porteurs de ces anticorps, souffrent en réalité d’une psychose auto-immune et ne répondent pas aux neuroleptiques.

 

Le rôle de l’imagerie

Qui dit psychiatrie de précision dit bien sûr enfin recours accru à l’imagerie. Et pour cause, nombre de technologies de plus en plus sophistiquées – IRM de diffusion, IRM fonctionnelle, IRM à très haut champ magnétique – s’avèrent aujourd’hui cruciales pour repérer des modifications de la morphologie de structures cérébrales.

 

La cohorte French Minds

Ce sont tous ces marqueurs (anatomiques, micro-structurels, fonctionnels, métaboliques) qui seront utilisés au sein de la cohorte French Minds que le programme ProPSY s’apprête à construire et qui comptera, à terme, dix mille patients. Ces marqueurs seront évalués et suivis individuellement pendant des années, sur le plan clinique, comportemental, environnement. De quoi permettre à la recherche en psychiatrie de franchir enfin le pas que tous attendent.


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