Un dispositif de préretraite peut prévoir des dispositions différenciées entre les femmes et les hommes si cette différence de traitement est justifiée, a tranché la Cour de cassation dans un récent arrêt.


Contre toute attente, la discrimination hommes-femmes peut être tolérée dans certaines situations. C’est le cas ainsi des dispositifs de préretraite, comme l’a affirmé la chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 14 avril 2021.

L’affaire portait sur une salariée qui avait bénéficié d’un dispositif de départ volontaire en préretraite dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) - la nouvelle appellation des plans sociaux. Le PSE prévoyait le versement d’une indemnité spéciale, ainsi que d’une rente mensuelle correspondant à un pourcentage du dernier salaire jusqu’à ce que les préretraités puissent percevoir une pension de vieillesse complète.


Rentes suspendues

Pour toucher une retraite sans décote, un assuré doit respecter sa durée d’assurance - un nombre de trimestres de cotisation qui varie selon l’année de naissance - ou atteindre l’âge de retraite à taux plein (fixé entre 65 et 67 ans selon, là-aussi, l’année de naissance). La salariée en préretraite aurait ainsi dû percevoir la rente jusqu’au 30 juin 2013, date à partir de laquelle elle aurait rempli sa durée d’assurance.

Mais le 30 avril 2011, l’entreprise suspend le versement des rentes, car la préretraitée, par ailleurs mère de trois enfants, dispose à cette date de tous ses trimestres en prenant en compte sa majoration de durée d’assurance (MDA). La MDA se traduit par l’octroi de huit trimestres par enfant si la mère de famille travaille dans le secteur privé (quatre trimestres par enfant dans le secteur public). Avec trois enfants, la préretraitée bénéficie de 28 trimestres « gratuits ». Ce qui lui permet de justifier de sa durée d’assurance (163 trimestres) dès le 30 avril 2011, au lieu du 30 juin 2013.


Manque à gagner

La salariée en préretraite conteste la décision de l’entreprise, au motif qu’elle est discriminatoire. À cause de la MDA, elle a perçu moins de rentes. Or, ce manque à gagner résulte de sa maternité et donc de son genre. Cela entraîne une différence de traitement entre hommes et femmes qui est contraire à la loi. La cour d’appel de Paris reprend ses arguments et donne raison à la plaignante.

Dans un arrêt du 12 février 2019, les juges de fond condamnent l’entreprise à verser à la prétraitée 141.478,48 euros pour les rentes non servies entre le 1er mai 2011 et le 30 juin 2013, 145.000 euros pour les cotisations patronales liées à ces rentes non versées aux organismes de protection sociale et 1.500 euros pour discrimination. L’entreprise se pourvoit en cassation.


Jurisprudence européenne

La haute juridiction casse et annule l’arrêt de la cour d’appel. La Cour de cassation rappelle que les caisses de retraite prennent en compte la MDA dans le calcul de la durée d’assurance. Dans ces conditions, il est normal que l’entreprise ajoute les trimestres attribués au titre de la maternité aux trimestres réellement cotisés.

Mieux : les hauts magistrats font référence à une jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) qui estime qu’un État membre de l’UE peut instaurer des âges de départ à la retraite différents entre hommes et femmes. Les Sages de la rue de Montpensier estiment donc que l’argument de l’employeur est totalement justifié. En conséquence, la Cour de cassation renvoie l’affaire devant la cour d’appel de Paris, autrement composée.


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