La Cour de cassation rappelle, dans un arrêt récent, que le juge des tutelles doit valider toute modification de la clause bénéficiaire d’un contrat d’assurance vie souscrit par une personne mise sous tutelle.


Un majeur protégé ne peut pas modifier unilatéralement la clause bénéficiaire de son contrat d’assurance-vie. Il lui faut l’accord du juge des tutelles. Voilà ce qu’a rappelé, en substance, la première chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt daté du 21 septembre 2022.

Pour comprendre le fondement de cette affaire, il faut savoir que le souscripteur d’une assurance vie peut, grâce à la clause bénéficiaire, désigner la ou les personnes de son choix qui recevront les capitaux de son contrat à son décès. Le ou les bénéficiaires désignés peuvent être extérieurs à la famille de l’assuré. Il est même possible de désigner une association ou une fondation reconnue d’utilité publique (et, à ce titre, habilitées à recevoir des dons et legs) comme bénéficiaire.


Une clause modifiable à tout moment

La clause bénéficiaire est modifiable à tout moment et sans frais par un simple courrier envoyé à l’assureur du contrat. C’est la dernière lettre reçue, dûment datée et signée, qui s’applique au décès du souscripteur. Cette grande liberté de modification est différente en ce qui concerne les personnes mises sous tutelle, comme l’a souligné la Cour de cassation dans l’arrêt du 21 septembre 2022.

La haute juridiction avait à se prononcer sur le cas d’un homme placé le 13 avril 1989 sous tutelle. Le 24 juin 1994, il souscrit, avec l’accord de son administratrice légale qui est sa sœur, une assurance vie. Il désigne ses deux enfants bénéficiaires de son contrat, à parts égales. Il modifie, en 1997, la clause bénéficiaire au seul profit de sa nièce, la fille de sa sœur, par ailleurs son administratrice légale.


Un acte de disposition et non d’administration

Le souscripteur décède le 28 janvier 2012. Ses enfants contestent le bénéfice de l’assurance vie attribué à leur cousine. Dans un arrêt du 22 octobre 2020, la cour d’appel de Colmar leur donne raison. Les juges de fond condamnent la nièce et sa mère, administrative légale du défunt, au paiement aux deux héritiers des capitaux reçus, au motif que, en application de l'article 502 du Code civil, la modification de la clause bénéficiaire d’une assurance vie constitue un acte de disposition soumis à autorisation du juge des tutelles 

La sœur et sa fille estiment, elles, que la modification de la clause bénéficiaire d’un contrat d’assurance vie relève d’un acte d’administration qui ne nécessite pas une autorisation judiciaire préalable. En conséquence, elles se pourvoient en cassation.

La plus haute instance de la justice française rejette leurs arguments et confirme la décision de la cour d’appel. Pour la Cour de cassation, la modification de la clause bénéficiaire constitue bien un acte de disposition soumis à autorisation. La Cour rejette le pourvoi et condamne les plaignantes à 3.000 euros d’amendes à verser aux deux enfants du souscripteur, en plus des capitaux de l’assurance vie de leur père décédé.

À noter : la nécessité de requérir l’autorisation du conseil de famille ou, en l’absence d’un tel conseil, du juge des tutelles pour modifier la clause bénéficiaire d'un contrat d'assurance vie est inscrite dans le Code des assurances depuis 2007.


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