Selon certains esprits pessimistes, l’antagonisme irait croissant entre jeunes actifs de plus en plus précaires et retraités baby-boomers nantis… Dépassée, la lutte des classes : il faudrait maintenant parler de lutte entre les âges ! Sans nier les difficultés, deux chercheurs s’opposent à cette idée et mettent au contraire en évidence la richesse des coopérations intergénérationnelles.



Pas de fracture économique entre générations

Pour Serge Guérin (sociologue) et Pierre-Henri Tavoillot (philosophe)*, il n’y aurait pas d’un côté les « jeunes pauvres » soumis au chômage de masse et à la baisse du pouvoir d’achat, et de l’autre, une génération de seniors bénéficiant au maximum de l’État Providence, après avoir déjà joui d’une conjoncture économique favorable pendant les Trente Glorieuses.

Leur constat est que toutes les générations subissent les difficultés économiques actuelles, en particulier sur le marché du travail où les contrats précaires des jeunes ne sont que le pendant des discriminations liées à l’âge subies par les plus de 50 ans.

Plus qu’à une brouille entre les âges, on assisterait à un « brouillage des âges », dans un monde où « l’on plaide pour la formation tout au long de la vie, où la vie active connaît des moments d’inactivité, où la retraite est devenue plus active que jamais ».

 

Pas de fracture numérique non plus

Les auteurs rejettent aussi l’idée selon laquelle la révolution numérique aurait creusé le fossé entre digital natives et anciens « zombies du livre ».

Ils soulignent au contraire la capacité d’adaptation des seniors : si les usages diffèrent, les aînés savent, comme les plus jeunes, tirer parti des nouvelles technologies pour améliorer leur quotidien et maintenir le lien avec leurs proches.

 

Les nombreuses solidarités intergénérationnelles ne demandent qu’à se renforcer

Qu’ils soient symboliques, comme avec la transmission de la mémoire, ou concrets avec les dons matériels ou les services rendus, les échanges intergénérationnels ont toujours été essentiels et ce n’est pas près de changer.

Certains de ces échanges sont institutionnalisés, avec l’école, par exemple, ou l’assurance vieillesse par répartition, mais beaucoup relèvent des individus. Et des solidarités inter-âges plus informelles se développent, avec les réseaux d’échanges de services entre voisins par exemple.

Les auteurs font des propositions concrètes pour les favoriser comme celle d’un service civique intégrant le bénévolat intergénérationnel ou la défiscalisation des investissements des retraités dans la création d’entreprises intergénérationnelles. En ayant conscience que tout cela ne s’impose pas mais se construit patiemment.


*Auteurs de La Guerre des générations aura-t-elle lieu ? Calman Levy, 2017.