Imaginons… Nous sommes en 2034. Déjà 10 ans se sont écoulés depuis les Jeux Olympiques à Paris ! Bon nombre d’entre nous exercent un métier qui n’existait pas encore en 2018. Nous sommes, pour la plupart, soit rassemblés dans des pôles urbains ou dans des villages qui étaient désertés en l’an 2000. Nous consommons de manière de plus en plus personnalisée. Avec un peu de chance, la planète est sortie du nucléaire et les trains n’ont plus besoin de rails. En 2034, plus de 4 Français sur 10 auront plus de 50 ans. Presque 6% des Français auront plus de 80 ans (source INSEE). Mélissa Petit, sociologue, et Hervé Raquin, Délégué Général d’ANPERE, décodent pour nous la France de demain et les chemins déjà empruntés pour créer les bonnes conditions de cette nouvelle donne sociale.


 

Le « bien-vivre »

Mélissa Petit : En 2034, on a arrêté de parler du « bien-vieillir » qui a fait place au « bien-vivre à tout âge ». Après 60 ans, on continue à prendre soin de soi. On a trouvé d’autres manières de parler de prévention. La « Slow Life » (art de ralentir son rythme de vie pour vivre mieux) est un courant, ça n’est plus une mode. On vit plus longtemps et on vit mieux. Cela peut créer une distorsion entre ceux qui peuvent mener une vie active et en bonne santé et ceux qui sont en souffrance. Mais la société les prend mieux en compte, avec des thérapies alternatives par exemple. On peut imaginer que les magnétiseurs sont remboursés par la Sécurité Sociale.

 

Hervé Raquin : Plus que jamais, l'autonomie physique et financière est devenue la norme. Et les situations de dépendance, qui restent une exception, constituent une problématique complexe. Ces questions se posent pour les personnes dépendantes aussi bien que pour les aidants (leurs familles, leurs amis, leurs soignants). En la matière, nos contrats et les services associés prennent tout leur sens.

 

Le lien social

MP : En 2034, nos vies sont davantage éclatées en différentes activités mais équilibrées. 2 jours de travail pour un employeur, 2 jours en tant qu'entrepreneur, et des jours pour soi. Les liens sociaux, eux aussi nous conduisent à faire le grand écart entre mondialisation et local, entre humain et digital.

HR : Cette double commande de sa vie personnelle et professionnelle, en décidant de ne pas avoir à choisir, est vraiment très intéressante. Cela nous incite à encourager les services associés à nos contrats comme l’échange de maison, le bénévolat en parallèle à l'exercice d’un métier plus tardif. C’est aussi un bon signal sur le sujet de la transmission du patrimoine, aussi bien culturel, familial que financier.

 

Les finances

MP : A tout âge, on souhaite avancer financièrement dans une société qu’on espère équitable. Les régimes de retraite pourraient être uniformisés en 2034, mais d’ici là, les pensions représenteront 40 % du dernier salaire. Rien n’indique que cela ira en s’améliorant.

HR : La préparation de la retraite est un réflexe que l'on adopte en général à partir de 30 ans, parfois même plus tôt... C’est à tort qu’on considère la retraite comme un âge. C’est un dispositif mêlant vie personnelle, santé, revenus, transmission, liberté d’action… qui se construit dès l’entrée dans la vie active et selon l’évolution de son statut, de son patrimoine, selon la structure de sa famille. L’épargne-retraite fait partie des outils du bien-vivre à la retraite. Mais il y a tant d’autres paramètres à prendre en compte…

 

Les territoires

MP : Dans cet avenir proche, les cartes des territoires sont rebattues, avec des jeunes qui quittent les grands centres pour recréer un projet sur le territoire. On voit aussi se développer l’agriculture urbaine ou la permaculture*. Localement, des « tiers-lieux » apparaissent, c’est-à-dire des lieux de rencontre physique teintés de digital. On peut anticiper que les services de la mairie proposent eux-mêmes des lieux de ce genre, multiformes, avec un espace de « coworking », des conférences culturelles, des moments de rencontre intergénérationnelle.

HR : L’intergénérationnel se cultive dès l’enfance. C’est révélateur d’un changement en profondeur dans le regard qu’on porte sur les âges. Pour accompagner cette mutation vers le mieux vivre ensemble qui va s’imposer, des associations sont déjà présentes et des projets se montent. Je pense à « Viens je t’emmène », événement dont nous sommes partenaires, qui permet d’orchestrer des sorties entre générations.

 

Le digital et l’intelligence artificielle

MP : Maison connectée, surveillance et action à distance, réalité virtuelle, accès instantané aux données de santé, tout devient possible… Plus nous avons accès à des robots dans nos gestes quotidiens, plus nous avons besoin d’être assistés pour utiliser ces équipements ou nous dépanner. D’où le développement des métiers de maintenance et de coaching, mais aussi de services à la personne. Avec ces innovations, la question de l’éthique est encore plus prégnante. On peut imaginer qu’en 2034, les débats seront toujours ouverts.

HR : l’Intelligence Artificielle va nous donner l’impression d’être davantage en sécurité mais va déporter les risques sur des questions de confiance. Et créer des besoins en accompagnement humain, plus que jamais, ce qui est rassurant.

 

Le positionnement activiste

MP : Le grand changement est dans le regard sur la société. J’imagine le chef du gouvernement en train d’annoncer la création d’un Ministère des âges. Ceci montre un engagement sur la question des parcours de vie, remplaçant une vision étriquée des segments d’âges et en particulier sur les personnes âgées et leur santé. Au lieu de segmenter, on rassemble. L’associatif se développe encore, le bénévolat donne des points de retraite.

HR : Donner de son temps pour les autres, au final c’est se recentrer sur le partage. S’engager dans le bénévolat, développer le « reverse mentoring » (les plus jeunes apprennent aux plus âgés), créer des communautés d’intérêt transgénérationnelles… on voit là de nouveaux visages de la démocratie, moins « top-down », plus participative.