Bien qu’issues d’un démembrement, les sommes logées dans un contrat d’assurance-vie sont taxées de la même manière au décès du souscripteur, souligne un récent arrêt de la Cour de cassation.


Ce n’est pas parce que les capitaux d’une assurance vie résultent d’une opération de démembrement qu’elles doivent être moins imposées. C’est, en substance, ce que la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation a rappelé dans un arrêt daté du 11 octobre 2023.

Un homme décède en 1999. Ses héritiers sont sa veuve et sa fille unique. La première hérite de l’usufruit (la jouissance) d’un portefeuille d’obligations appartenant au défunt et la seconde, de la nue-propriété (la propriété amputée de l’usufruit) de ce même portefeuille. Les obligations étant arrivées à échéance, l’épouse survivante usufruitière verse le produit de ces créances (350.000 euros) sur un contrat d’assurance vie.


Primes versées après 70 ans

Deux détails importants à savoir : le contrat n’est pas démembré (l’usufruit n’est pas séparé de la propriété) et la veuve a plus de 70 ans au moment de la souscription de l’assurance vie. Elle désigne sa fille comme la seule bénéficiaire de son contrat. En 2011, l’épouse meurt à son tour.

La fille dépose une déclaration de succession le 23 mars 2012 auprès de l’administration fiscale, dans laquelle elle omet le contrat d’assurance vie. Or, les capitaux issus des primes versées après les 70 ans du souscripteur décédé sont assujettis aux droits de succession, après application d’un abattement de 30.500 euros. La fille orpheline aurait donc dû déclarer 319.500 (350.000 - 30.500) euros au titre du bénéfice de l’assurance vie de sa défunte mère.


Rejet de la réclamation contentieuse

Le 10 juillet 2014, le fisc lui notifie une proposition de rectification de ses droits successoraux à payer. La fille refuse de les honorer, au motif que les capitaux proviennent d’un démembrement dont elle a récupéré la pleine propriété au décès de sa mère. L’administration fiscale maintient les rectifications proposées, puis, le 10 mars 2015, émet un avis de mise en recouvrement.

La fille assigne alors le directeur régional des finances publiques d’Île-de-France et du département de Paris en contestation du rejet de sa réclamation contentieuse. Dans un arrêt rendu le 3 décembre 2020, la cour d’appel de Douai lui donne raison. Les juges de fond estiment que la fille ne devait pas verser de droits de succession, car cela voudrait dire qu’elle serait imposée deux fois sur les mêmes capitaux.


Contrat en plein propriété

Le directeur régional des finances publiques d'Île-de-France et du département de Paris se pourvoit en cassation. La Cour de cassation annule et casse l’arrêt de la cour d’appel de Douai. Pour la plus haute instance de la justice française, la fille aurait bien dû s’acquitter des droits de succession, puisque la mère a versé les 350.000 euros sur son contrat d’assurance vie alors qu’elle était âgée de plus de 70 ans. Et peu importe si cette somme venait d’un compte-titres démembré, puisque l’assurance vie, elle, n’est pas démembrée.

En conséquence, la Cour casse et annule la décision de la cour d’appel de Douai. Les hauts magistrats ne renvoient pas l’affaire. Ils confirment le jugement du 4 décembre 2018 rendu par le tribunal de grande instance (TGI) de Lille, selon lequel la fille devait payer des droits de succession sur les 319.500 euros (les capitaux réduits de l’abattement) du contrat d’assurance vie de sa mère. L’héritière est également condamnée à verser 3.000 euros au directeur régional des finances publiques d’Île-de-France et du département de Paris au titre des dommages et intérêts.


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