Même s’il a pris connaissance du décès du souscripteur, l’assureur n’est pas contraint d’informer le notaire en charge de la succession de l’existence du contrat d’assurance-vie, rappelle un récent arrêt de la Cour de cassation.


Si le souscripteur d’une assurance-vie vient à décéder, l’assureur qui gère le contrat n’a pas l’obligation d’avertir le notaire en charge de la succession de l’existence dudit contrat. Telle est la règle rappelée par la première chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt daté du 13 avril 2023.

L’affaire porte sur une femme décédée le 6 mars 2014. Elle avait désigné par testament son fils comme son légataire universel. Elle l’avait également choisi comme le bénéficiaire de ses trois assurances vie, via les clauses bénéficiaires intégrées dans les contrats, ce que le fils ignorait.


Redressement fiscal

Ce dernier est notifié d’un redressement fiscal à cause des trois contrats. L’administration fiscale lui reproche que les capitaux issus des primes versées après les 70 ans de sa mère sur ses trois assurances vie n’aient pas été intégrés dans l’actif successoral de la défunte, et donc assujettis aux droits de succession.

Le fils, qui souffre d’un handicap, n’avait pas cette information car il n’avait pas ouvert les courriers envoyés par l’assureur des trois contrats d’assurance vie. Il se retourne contre le notaire qui a réglé la succession de sa mère, reprochant à ce dernier de ne pas l’avoir averti de l’existence des contrats.


Consultation du RNIPP

Le notaire rejette à son tour la faute sur l’assureur, au motif que ce dernier aurait dû l’informer que la dame décédée avait souscrit trois assurances vie et avait désigné son fils comme l’unique bénéficiaire de ses contrats. Dans un arrêt rendu le 10 juin 2021, la cour d’appel de Douai donne raison à l’officier ministériel.

Pour les juges de fond, l’assureur aurait dû, dès qu’il avait pris connaissance du décès de la souscriptrice, contacter le notaire. La compagnie aurait pu informer ce dernier que la défunte avait alimenté ses contrats après 70 ans et que les capitaux issus de ces primes devaient donc être comptabilisés dans l’actif successoral. La loi oblige, en effet, les assureurs à consulter une fois par an le répertoire national d’identification des personnes physiques (RNIPP) tenu par l’Insee pour déterminer quels sont les souscripteurs de leurs contrats d’assurance vie en vie ou non.


Primes versées avant ou après 70 ans

Pour rappel, les capitaux issus des primes versées dans une assurance vie avant les 70 ans de l’assuré sont considérés comme étant hors succession. Ces sommes ne sont pas soumises aux règles de dévolution successorale (l’ordre de priorité des héritiers), ni aux droits de succession. À la place, les capitaux reçus au décès du souscripteur sont taxés à 20% jusqu’à 852.500 euros (après application d’un abattement de 152.500 euros par bénéficiaire) et à 31,25% pour la fraction supérieure à 852.500 euros.

En revanche, les capitaux issus des primes versées après 70 ans entrent dans la succession (après application d’un abattement de 30.500 euros commun à tous les bénéficiaires désignés). L’assureur étant au courant du décès de la dame, il aurait dû contacter son notaire, selon la cour d’appel. Du coup, l’instance condamne la compagnie à prendre en charge la moitié des pénalités financières fixées par le Fisc à l’issue du redressement fiscal du fils de la défunte. L’assureur se pourvoit en cassation.

La Cour de cassation casse l’arrêt de la cour d’appel de Douai. Si l’assureur doit consulter le RNIPP, il a l’obligation de contacter les bénéficiaires pour les informer du bénéfice de l’assurance vie (ce qui a été fait en l’espèce), mais pas le notaire en charge de la succession, souligne la plus haute instance de la justice française. En conséquence, la Cour renvoie l’affaire devant la cour d’appel de Douai autrement composée.


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