La clause bénéficiaire d’un contrat d’assurance-vie supplante la répartition des fonds prévus dans un testament, a jugé la Cour de cassation dans un récent arrêt.
Les volontés mentionnées dans la clause bénéficiaire d'un contrat d’assurance-vie l’emportent sur celles inscrites dans un testament. C’est ce qu’a réaffirmé la première chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 3 avril 2019. La plus haute instance de la justice française avait à traiter le cas d’un monsieur qui avait rédigé un testament devant notaire dans lequel il spécifiait qu’il léguait l’usufruit (la jouissance) de ses deux assurances vie à son épouse et la nue-propriété à parts égales entre ses cinq filles.
Huit ans plus tard, le même monsieur a indiqué dans les clauses bénéficiaires de ses deux contrats que les fonds devaient finalement revenir à son décès à sa femme et, si celle-ci mourait prématurément, à trois de ses filles. Comme il était prévu, les capitaux sont versés à la veuve lorsque le souscripteur décède. Une des deux filles non désignées dans les clauses assigne alors en justice sa mère, ses trois sœurs bénéficiaires et l’assureur vie au motif que les clauses bénéficiaires ne respectaient pas les volontés du testament authentique de son père.
Texte spécial contre texte général
Le tribunal rejette sa demande car les dernières volontés du défunt ont été clairement exprimées dans les deux clauses bénéficiaires et qu’il fallait les respecter. La fille fait appel de la décision. La cour d’appel de Bordeaux confirme le jugement du tribunal le 20 février 2018. La fille se pourvoit en cassation en s’appuyant sur deux arguments : l’article 1035 du Code civil prévoit qu’un testament ne peut être révoqué que par un testament postérieur (ou un autre acte devant notaire) et l’adage juridique « specialia generalibus derogant », selon lequel un texte spécial dérogeant au texte général ne peut pas s’appliquer, n’a pas été respecté.
La Cour de cassation retoque les deux points. Les hauts-magistrats ont rappelé que le Code des assurances instaure la possibilité donnée à un souscripteur d’une assurance vie de désigner, via la clause bénéficiaire, la ou les personnes de son choix qui percevront les capitaux à son décès. La Cour en profite pour préciser que, tant que les bénéficiaires n’ont pas accepté le bénéfice, le souscripteur peut modifier le contenu de la clause quand il le veut et autant de fois qu’il le souhaite.
Pas de parallélisme à respecter
Quant à l'adage « specialia generalibus derogant », ils’applique uniquement pour des règles de même nature, souligne la Cour de cassation. Or, ce n’est pas le cas entre les dispositions testamentaires et celles de l’assurance vie. Aux yeux de la Haute juridiction, le texte spécial peut très bien supplanter le texte général. Pour elle, il n’est pas « nécessaire de respecter un parallélisme des formes entre la voie choisie pour la désignation initiale (des volontés, NDLR) et celle retenue pour la modification ».
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