Le barème de l’impôt sur le revenu a été revalorisé ce dimanche pour suivre l’inflation. Ce barème permet à l’impôt sur le revenu d’être progressif. Certains économistes jugent cette fiscalité plus équitable tandis que d’autres défendent un impôt proportionnel.


Afin que l’inflation ne conduise pas à une augmentation de l’impôt sur le revenu des foyers, le barème de l’impôt sur le revenu (IR) a été revalorisé le 1er janvier de 5,4 % pour les revenus perçus en 2022. Le barème correspond aux seuils de revenus déclenchant les différents taux d’imposition applicables à chaque tranche.

Cette revalorisation du barème suit l’inflation attendue pour l’année 2022, plus précisément à l’estimation de l’augmentation des prix à la consommation hors tabac sur cette période. L’indexation du barème de l’IR sur l’inflation est une mesure quasi systématique.

Le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, avait déclaré en juin vouloir maintenir ce principe pour l’année 2023. « Il est hors de question que des salariés, des Français paient plus d’impôts sur le revenu avec l’inflation », avait-il affirmé. Du fait de la forte hausse des prix enregistrée l’an dernier, la revalorisation du barème est cette année à son plus haut niveau depuis les années 1980.


L'éclairage

Le barème permet de calculer le montant de l’IR de chaque foyer fiscal. Il est composé de cinq tranches de revenus. Chacune bénéficie d’un taux d’imposition propre, de 0 % pour la première à 45 % pour la dernière. Par exemple, si une célibataire sans enfant a perçu en 2022 un revenu net imposable de 30 000 euros, elle ne sera pas imposée sur sa tranche de revenus allant jusqu’à 10 777 euros, mais le sera à 11 % sur ses revenus compris entre 10 778 et 27 478 euros, puis à 30 % sur ses revenus allant de 27 479 à 30 000 euros. Son impôt annuel atteindra ainsi 2 594 euros. Cette contribuable a un taux marginal d’imposition de 30 %, mais tous ses revenus ne sont pas imposés à 30 %. Son taux d’imposition moyen, soit le rapport entre le montant de l’impôt et le revenu, est ainsi d’environ 9 %. Avant d’appliquer le barème au revenu imposable, il faut tenir compte du quotient familial, c’est-à-dire du nombre de parts affectées au foyer. Il dépend de la situation du contribuable (célibataire, marié, etc.) et des personnes à sa charge. Il existe aussi des « niches fiscales » qui permettent de diminuer le montant de l’impôt.


Le lien avec l’inflation

Les seuils et limites du barème de l’IR sont fixés chaque année par l’article 2 de la loi de finances. Depuis 1969, ils sont indexés sur l’inflation. Cette indexation permet de « maintenir le pouvoir d’achat des contribuables en ne prélevant pas davantage d’impôts en l’absence de progression réelle » de leurs revenus, c’est-à-dire au-delà du niveau de l’inflation, expliquait la commission des finances du Sénat dans un rapport publié en 2020. Le gouvernement a la possibilité de geler le barème appliqué à l’IR et de contourner ainsi cette règle, ce qu’il a fait à deux reprises, en 2012 et en 2013. La revalorisation du barème entraîne un coût pour l’État lorsque les revenus progressent moins vite que l’inflation. Cette année par exemple, la revalorisation du barème se traduira par une baisse d’impôt pour tous les foyers dont le revenu n’a pas augmenté de 5,4 % en 2022. La mesure va générer un manque à gagner de 6,2 milliards d’euros pour l’État, selon les projections du gouvernement.

45 %

de foyers imposables

17,9 millions de ménages, soit environ 45 % de l’ensemble des foyers fiscaux, ont acquitté un impôt au titre des revenus de 2020, selon un bilan publié en mai par la direction générale des Finances publiques. L’impôt sur le revenu est par son rendement le troisième prélèvement (74 milliards d’euros en 2020), après la CSG (123 milliards d’euros), acquittée par la quasi-totalité des citoyens, et la TVA (114 milliards), acquittée par tous les citoyens.

Le principe de la progressivité

Le barème a été mis en place dans le but de faire croître le taux moyen d’imposition avec le revenu. L’IR a ainsi un caractère « progressif ».L’objectif d’un tel impôt est de réduire les inégalités, explique sur son sitel’Observatoire des inégalités, un organisme privé indépendant. Pour comprendre cette idée, imaginons Paul et Virginie, deux contribuables dont les salaires respectifs de 2 000 et 4 000 euros sont taxés à 20 %. Après impôt, Paul dispose de 1 600 euros et Virginie, de 3 200 euros, l’écart entre leurs revenus est toujours de un à deux. Cet impôt proportionnel, avec un taux de prélèvement unique, ne corrige pas les inégalités. Maintenant, imaginons que le taux d’imposition soit de 20 % jusqu’à 2 000 euros, puis de 40 % au-delà. Après impôt, l’écart de revenus se resserre entre Virginie, à qui il reste 2 800 euros, et Paul, qui dispose de 1 600 euros. Ce système fiscal progressif réduit donc les inégalités.

Une progressivité relative

Le caractère progressif de l’impôt divise depuis longtemps les économistes. Dans un ouvrage posthume publié en 1841, le Français Jean-Baptiste Say (1767-1832) estimait que « l’impôt progressif est le seul équitable ». Le Britannique John Stuart Mill (1806-1873) défendait le point de vue inverse : « Imposer les gros revenus plus que les petits » revient à « frapper d’une amende ceux qui ont plus travaillé » que « leurs voisins », écrivait-il dans un ouvrage de 1861. En France, outre l’impôt sur le revenu, deux autres prélèvements sont progressifs et disposent de ce fait de leur propre barème : l’impôt sur la fortune immobilière et les droits de succession. Ils représentent à eux trois « moins de 10 % du total des prélèvements », c’est-à-dire des impôts et des cotisations sociales, explique sur son site l’Observatoire des inégalités. Les prélèvements fiscaux et sociaux sont donc majoritairement proportionnels. Dans un essai publié en 2011, les économistes Thomas Piketty, Camille Landais et Emmanuel Saez démontraient que tous prélèvements confondus, les plus aisés sont confrontés à un taux de prélèvement sur leurs revenus de 33 %, contre 41 % pour les plus modestes.